
La citation du mois (Historique) "Nous autres, civilisations, savons désormais que nous sommes mortelles." Paul Valéry |
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Eviter les pièges de la pensée |
Comprendre les biais cognitifs
Un biais cognitif est une forme de pensée qui met en oeuvre de manière systématique des distorsions dans le traitement de l'information. Ces biais, qui sont en général inconscients, peuvent conduire à des erreurs de perception, de raisonnement, d'évaluation, d'interprétation logique, de jugement, d'attention, etc., ainsi qu'à des comportements ou à des décisions inadaptées. L'étude de ces biais montre à quel point notre expérience du monde, nos pensées et nos comportements sont nettement moins libres qu'on ne l'imagine. C'est cette prévisibilité qui fait que les biais cognitifs constituent l'un des leviers de la manipulation mentale.
Vous trouverez ci-dessous un répertoire des biais cognitifs les plus courants, classés en quelques grandes catégories. Il n'est pas nécessaire, je pense, d'essayer de retenir les noms que leur ont donnés les spécialistes. Cependant, il me paraît important d'en connaître leurs descriptions pour pouvoir les repérer lorsqu'on y est confronté dans la vie de tous les jours.
Développer son esprit critique
Un piège doit pourtant être évité, c'est celui de détecter les biais cognitifs uniquement chez les autres sans percevoir ceux que l'on commet soi-même. "On voit la paille dans l'oeil de son voisin, mais pas la poutre dans le sien."
Un minimum d'esprit critique est nécessaire pour identifier nos propres biais, pour mieux comprendre certaines de nos erreurs passées et démasquer nos préjugés. Et au final, il y aura peut-être moins de conflits inutiles et le sentiment d'une plus grande liberté, celle de savoir éviter les traquenards, mais aussi de remettre en cause ses propres schémas de pensée.
Pierre Tourev, 31 decembre 2013, mise à jour le 27/11/2019.
Biais de mémoire
Biais liés à la façon dont le cerveau mémorise puis restitue à la conscience les informations perçues par les sens.
- Biais rétrospectif
Juger, a posteriori, qu'un événement était probable ou prévisible : "je le savais depuis le début".
- Effet de simple exposition
L'exposition répétée à une personne ou à quelque chose augmente la probabilité d'avoir un sentiment positif envers elle.
- Effet de récence
Se souvenir plus facilement des dernières informations auxquelles on a été confronté.
- Effet de primauté
On se souvient mieux des premiers éléments d'une liste mémorisée.
L'impression générale que l'on a de quelqu'un ou de quelque chose est influencée par la première information perçue.
- Effet rebond
Plus on voudrait ne pas penser à quelque chose, plus on y pense.
- Biais de corrélation illusoire
Imaginer un lien entre deux évènements ou deux types d'évènements alors qu'il n'y en a pas ou exagérer ce lien.
Ce biais peut aussi être classifié dans les biais liés aux lois statistiques.
- Oubli de la fréquence de base
Oublier de tenir compte de la fréquence de base d'un événement lorsqu'on cherche à en évaluer la probabilité.
Négliger la taille de l'échantillon.
Ce biais peut aussi être classifié dans les biais liés aux lois statistiques.
Biais de raisonnement
- Biais de cadrage
La façon d'énoncer un problème influe sur la réponse.
- Biais liés aux lois statistiques
Mal évaluer la probabilité d'une situation.
- Illusion des séries
Percevoir à tort des signes du destin ou des coïncidences dans des données tirées au hasard.
Sous-estimer la variabilité des évènements dans une série aléatoire.
- Effet râteau
Considérer le hasard plus régulier qu'il ne l'est en réalité.
- Biais de conjonction
Surestimer la probabilité d'apparition de deux évènements simultanément (conjonction) par rapport à la probabilité d'apparition de chacun d'entre eux.
- Oubli de la fréquence de base
Oublier de tenir compte de la fréquence de base d'un événement lorsqu'on cherche à en évaluer la probabilité.
Négliger la taille de l'échantillon.
- Biais de confirmation d'hypothèse
Privilégier les informations qui confortent des préjugés, des idées reçues, des convictions, des hypothèses.
- Biais de représentativité
Fonder son jugement sur un nombre limité d'éléments que l'on considère comme représentatifs d'une population.
- Biais de disponibilité
Privilégier et surestimer les informations immédiatement disponibles à la mémoire, en particulier lorsqu'elles sont stéréotypées.
"Si je pense à ça, alors c'est vrai ou c'est important."
- Biais de négativité
Prendre davantage en compte les informations négatives que les positives.
- Dissonance cognitive
Des informations qui nous concernent (croyances, valeurs, attitudes), simultanées et incompatibles entre elles, provoquent un état de tension désagréable et incitent à rechercher l'état inverse de "consonance positive".
- Biais d'appariement
Se focaliser sur des éléments cités dans l'énoncé d'un problème.
- Perception sélective
Interpréter de manière sélective les informations perçues en fonction de notre propre expérience, de nos centres d'intérêt, de nos valeurs.
- Problème de l'induction
Croire que le futur ressemblera au passé.
Les risques de la généralisation.
- Biais de familiarité
Faire davantage confiance à ce que l'on connaît et croire qu'on le comprend mieux.
- Réification du savoir
Considérer les connaissances comme des objets immuables et extérieurs.
- Effet cigogne
ou Cum hoc, ergo propter hoc et Post hoc, ergo propter hoc. Trouver à tort un lien de causalité entre deux variables reliés par une corrélation.
- Sophisme et Paralogisme
Raisonnement séduisant, avec une apparence de vérité, mais incorrect. Le sophisme vise à tromper, tandis que le paralogisme est énoncé de bonne foi.
Biais de jugement
- Effet d'ambiguïté
Tendance à éviter les options pour lesquelles nous manquons d'informations.
- Biais focal
Raisonner sur les seules informations directement disponibles et oublier d'envisager tous les cas possibles d'une information manquante à l'aide d'un raisonnement disjonctif ou par élimination (variante de l'effet d'ambiguïté).
- Biais d'ancrage
Influence de la première impression, de la première information.
- Biais d'immunité à l'erreur
Penser qu'on ne peut pas se tromper.
Ne pas voir ses propres erreurs ou les minimiser.
- Biais égocentrique
Surestimer sa contribution dans un groupe et s'attribuer plus de responsabilités que l'on a eues dans la réalité.
- Effet de halo
Perception d'une personne, d'un groupe ou d'une chose influencée par l'opinion que l'on a préalablement pour son environnement ou pour l'une de ses caractéristiques.
- Biais de confiance excessive
Tendance à surestimer ses connaissances, ses capacités physiques et intellectuelles, son jugement et son aptitude à prédire un évènement incertain.
- Effet Dunning-Kruger
Les moins compétents surestiment leurs compétences et, inversement, les plus compétents les sous-estiment.
- Illusion de savoir
Face à une situation en apparence identique à des situations connues, réagir de façon habituelle sans chercher à recueillir d'autres informations.
- Effet retour de flamme
Une croyance initiale est renforcée en présence de preuves pourtant contradictoires ou invalidantes.
- Biais de stabilité
Considérer une information ou une référence chiffrée comme indiscutable et être persuadé qu'il ne faut pas s'en écarter.
"Cela ne s'est jamais produit, il n'y a aucune raison pour que cela se produise un jour !"
- Biais d'autorité
Surévaluer la valeur de l'opinion d'une personne que l'on considère comme une autorité.
Craindre de contredire un expert ou un supérieur.
- Effet de dotation
Attribuer plus de valeur à un bien qui nous appartient.
- Illusion monétaire
Confondre une variation du niveau général des prix avec une variation des prix relatifs.
- Illusion de contrôle
Etre persuadé de disposer d'un pouvoir de contrôle ou d'influence sur son environnement, en particulier sur des phénomènes aléatoires.
- Effet de contraste
La perception d'une information est affectée par la perception d'une information de nature opposée produite antérieurement ou en même temps.
- Biais des coûts irrécupérables
Etre influencé de manière irrationnelle par des décisions prises antérieurement lorsque se pose la question de poursuivre ou d'arrêter un projet ou d'une activité.
- Paréidolie
Forme d'illusion qui fait qu'un individu perçoit dans un stimulus indéfini ou vague, une forme précise, souvent humaine ou animale.
Biais de gestion de la réalité sociale
- Biais d'attribution
Erreurs fréquentes apparaissant dans l'attribution d'un comportement ou d'un évènement à des causes.
Attribution causale : Façon d'attribuer, d'expliquer et de juger la responsabilité d'une situation, à soi-même ou aux autres.
- Biais d'intentionnalité
Surestimer le rôle des causes intentionnelles - c'est-à-dire voulues, délibérées, faites exprès, de la part de quelqu'un ou d'une entité quelconque -, lors de la survenue d'un évènement ou face à un comportement humain
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Sous-évaluer les causes externes (situations, évènements extérieurs) au profit des causes personnelles (dispositions personnelles, traits de personnalité, mérites).
- Biais d'auto-complaisance
Croire que nos réussites sont dues à nos propres capacités et que nos échecs résultent de causes externes.
- Biais acteur/observateur
Attribuer plus de poids aux explications externes (environnement) pour les succès des autres et internes (dispositions personnelles) pour leurs échecs.
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Blâmer les victimes d'un accident qui vient de leur arriver.
- Erreur ultime d'attribution
Appellée aussi biais pro-endogroupe ou d'ethnocentrisme. Favoriser systématiquement son groupe d'appartenance lors de l'attribution causale, par rapport à un autre groupe.
- Effet de faux consensus
Tendance à surestimer le nombre de personnes qui partagent nos opinions ou agissent comme nous.
Biais liés à la personnalité
- Biais culturel
Analyser, interpréter et juger les choses à travers le filtre de ses propres références culturelles.
- Désir de consensus
Tendance des individus à aller dans le sens des décisions prises par le groupe.
"Si autant de monde va le voir, c'est que ce doit être un bon film."
- Effet de mode
Le phénomène des "moutons de Panurge"
Augmentation d'un comportement lorsque l'on sait qu'un grand nombre de personnes ont déjà ce comportement.
- Biais de statu quo
La résistance au changement. Toute nouveauté est perçue comme engendrant plus de risques que d'avantages.
- Biais linguistique
Influence des caractéristiques d'une langue sur les processus mentaux relatifs à la connaissance.
- Effet Barnum
Le stratagème des astrologues, numérologues et autres voyants.
Considérer une description générale et floue de traits de personnalité comme s'appliquant à soi-même.
Sources
Les descriptions de biais cognitifs résultent de la compilation et de la synthèse de plusieurs sources issues d'Internet, entre 5 et 10 sources différentes pour chacune d'entre elles. Les quelques citations qu'on y trouve sont de couleur mauve.
Parmi ces sources, en voici quelques-unes qui dressent un panorama général de l'ensemble des biais cognitifs :
Voir aussi dans la Toupliographie (bibliographie) :
- Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens (Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, Presses Universitaires de Grenoble, 2002)
- Petit cours d'autodéfense intellectuelle (Normand Baillargeon, Ed. Lux, Montréal, 2006)
- Coïncidences, nos représentations du hasard (Gérald Bronner, Vuibert, 2007)
- L'empire de l'erreur : Eléments de sociologie cognitive (Gérald Bronner, PUF, 2007)
- Petite philosophie de nos erreurs quotidiennes (Luc de Brabandere et Anne Mikolajczak, Eyrolles, 2011)
- Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée (Daniel Kahneman, Flammarion, 2012)
- Arrêtez de vous tromper ! 52 erreurs de jugement qu'il vaut mieux laisser aux autres (Rolf Dobelli, Eyrolles, 2012)
- L'auto-manipulation : Comment ne plus faire soi-même son propre malheur (Christophe Carré, Eyrolles, 2012)
- Pourquoi vous vous trompez tout le temps (et comment arrêter) (Rolf Dobelli, Eyrolles, 2013)
- Le biais comportementaliste (Ouvrage collectif, Les Presses de Sciences Po, 2018)
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