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Diète médiatique

Moins d'informations,
moins de stress, plus belle la vie



Le panneau d'affichage

On pourrait comparer le flux de l'actualité traitée par les médias comme un grand panneau d'affichage sur lequel viennent se coller des affiches qui représentent les informations de l'actualité. Des affiches, plus ou moins grandes selon l'importance du sujet. Certaines sont toutes petites, pas plus grandes qu'un post-it. C'est le cas par exemple pour une petite phrase lancée par un homme politique en mal d'audience ou pour une expérience scientifique qui intéresse peu de monde. En revanche, il arrive que certaines affiches occupent presque tout le panneau : un attentat terroriste, un avion qui s'écrase, un tremblement de terre, etc. Ces grandes affiches peuvent rester visibles plusieurs jours *. D'autres informations de moyenne importance tiennent un jour ou deux. En effet, le flux de l'actualité est tel qu'une affiche quelconque est très vite recouverte par une plus récente. Ainsi va la vie... des médias.
* La moindre catastrophe, ce sont trois jours d'édition spéciale, en continu, jusqu'à la nausée. Cela tourne parfois à la psychose, comme avec l'épisode de la grippe H1N1.
En l'absence de catastrophe, c'est le sport qui prend le relais, à grand renfort, là aussi, de commentaires de spécialistes, de témoignages de sportifs, du témoignage de l'entraineur du sportif, de la femme de l'entraineur, de la coiffeuse de la femme de l'entraineur, du chien de la coiffeuse, etc. J'exagère à peine. Sans oublier toutes ces rencontres sportives que l'on monte en épingle en les présentant comme le "match du siècle". Pas de repos médiatiques : quand le championnat de Ligue 1 de football est terminé, on passe à Roland-Garros, puis à l'Euro de football, puis au Tour de France. Vous croyez que c'est fini. Eh bien non, pas de chance ! Ce sont les Jeux Olympiques qui vont commencer. Etc.

Il y a cependant deux problèmes majeurs.
Le premier problème c'est que le panneau a tendance à devenir de plus en plus grand et que le nombre d'informations nouvelles augmente en proportion :
  • arrivée de chaînes TV et de radios d'informations en continu,
  • développement d'Internet et multiplication des sites d'informations,
  • essor des réseaux sociaux où chacun peut s'improviser journaliste en photographiant et en filmant avec son smartphone,
  • multiplication des notifications en push (alertes automatiques) qui tombent sur les téléphones portables,
  • etc.
Le second problème est que la très grande majorité de ces informations sont négatives, tristes ou tragiques. Ce ne sont qu'attentats terroristes, séismes, catastrophes en tout genre, guerres, incendies, tueries, meurtres, décès d'une célébrité, épidémies, délinquance, crises économiques, krachs boursiers, fermetures d'usine, chômage, hommes politiques malhonnêtes, inondations, faits divers sordides, etc. C'est ce qui donne au panneau d'affichage une dominante sombre, grise ou noire, avec peu de couleurs.
L'explication est simple : la course à l'audience pour les grands médias.
En effet, pas d'audience, pas de rentrées publicitaires.
Le levier utilisé est le biais de négativité, phénomène qui fait que les individus sont davantage marqués par les expériences négatives que par les positives. L'instinct de survie les conduit à être plus attentifs à toutes les informations négatives. Les médias jouent sur la peur qui fascine le spectateur ou l'auditeur, qui le maintient en haleine, alors même qu'il n'y peut rien. Le tout est accompagné de titres accrocheurs, d'images chocs, d'une voix grave au rythme angoissant et de témoignages émouvants pour nous faire verser des larmes. (On peut par exemple déceler une certaine similitude entre le générique du JT de TF1 et la musique du film les Dents de la Mer.)
Du sang et des larmes, voilà ce qu'il faut pour nourrir le peuple scotché à ses écrans ou à ses écouteurs. Il est anesthésié et devient peu à peu insensible, avec le sentiment d'être dans l'incapacité d'agir.

Si vous grattez un peu sous les affiches, pour revoir les plus anciennes, vous en trouverez beaucoup pour lesquelles vous vous demanderez : comment est-il possible que cette information ait pu, un jour, faire la une de l'actualité ?

Un problème de santé publique

Vécu au jour le jour, cet immense panneau d'affichage est une véritable source anxiogène qui accroit le stress déjà important de la vie quotidienne et renforce le sentiment d'impuissance devant les malheurs et la misère du monde. Il provoque un sentiment de danger permanent et une peur disproportionnée de tout ce qui n'est pas notre propre petit univers. Pour l'auteur du Mystère du nocebo, le psychiatre Patrick Lemoine, le stress engendré par la surinformation se traduirait par des atteintes à la santé très variées : insomnies, troubles obsessionnels compulsifs, anxiété généralisée, etc.
"Avec la dérive actuelle des médias, leur inflation, le matraquage non-stop, la surinformation, l'absence de régulation, les manipulations de toutes sortes, les polémiques pour les polémiques, l'information s'est transformée aussi en une sorte de poison lent, tant elle est devenue incontrôlable et contradictoire. Un médicament capable de rendre dépendant, stressé et, au bout du compte, malade".
Les conséquences de la surmédiatisation de l'actualité ne se font pas sentir que sur la santé mentale, mais aussi sur celle du corps. L'anxiété et la dépression ne se soignent pas qu'avec des médicaments. Il est bien connu que grignoter des produits gras ou sucrés, - que les spots publicitaires nous montrent à longueur de journée -, apaise le stress, mais occasionne du surpoids. Le malheur des uns fait le bonheur des industries pharmaceutique et agro-alimentaire.

"Déjeuner en paix" *

* Titre d'une chanson interprétée par Stephan Eicher, 1991
  Paroles : Philippe Djian. Musique : Stephan Eicher.

"J'abandonne sur une chaise le journal du matin
Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent
J'attends qu'elle se réveille et qu'elle se lève enfin
Je souffle sur les braises pour qu'elles prennent

Cette fois je ne lui annoncerai pas
La dernière hécatombe
Je garderai pour moi ce que m'inspire le monde
Elle m'a dit qu'elle voulait si je le permettais
Déjeuner en paix, déjeuner en paix"


En attendant la création d'une chaîne d'informations consacrée uniquement aux bonnes nouvelles, ce qui devrait être une mission d'intérêt général dévolue au service public, chacun peut, à son niveau, se prescrire sa propre diète médiatique.

Il faut d'abord prendre conscience que :
  • les drames qui sont montrés ont eu lieu et que malheureusement nous n'y pouvons plus rien, si ce n'est d'en tirer des leçons pour le futur,
  • nos larmes ne soulageront pas les victimes ni leur famille.

Une diète médiatique, ce n'est pas vivre en ermite en se coupant de tous les médias d'informations. C'est d'abord devenir acteur et non subir, c'est sélectionner avec soin un nombre restreint de sources d'informations en fonction de ses centres d'intérêt ou de son activité professionnelle. C'est aller chercher l'information à un moment de la journée que l'on a choisi et non la laisser venir à soi de manière non maîtrisée, à n'importe quel moment du jour et de la nuit. En ce qui concerne les supports médiatiques, il me semble préférable d'éviter les plus anxiogènes, qui sont, par ordre décroissant, l'image animée, la photo, l'oral, l'écrit.

Exemples ou suggestions d'attitudes pouvant être adoptées :
  • Presse écrite :
    • écarter les périodiques qui privilégient les titres à sensation. Avantage : on a le choix de lire ou de ne pas lire en fonction du titre,
    • lire les titres à la une dans les kiosques à journaux ou dans les magasins de presse.
    • s'abonner au Canard Enchaîné : hebdomadaire satirique, idéal pour déstresser, pas de publicité, journal réellement indépendant. L'essentiel de l'actualité d'une semaine en 8 pages seulement !

  • Internet :
    • idem que le point 1 de Presse écrite.
    • on peut difficilement éviter les photos, mais on n'est pas obligé de regarder les vidéos.

  • Smartphone :
    • Ne l'utiliser que pour téléphoner ou rechercher les informations dont on a besoin. (être actif et ne pas subir)
    • se désabonner de toutes les notifications de types "push" et alertes automatiques.

  • Radio :
    • France Info : à petite dose, à éviter les jours où il y a des éditions spéciales après une catastrophe ou un attentat,
    • Radios généralistes : on peut en choisir une pour écouter les titres à heure fixe dans la journée,
    • RMC : à bannir car c'est, à mon goût, l'une des plus anxiogènes.

  • Télévision :
    • ne plus regarder les chaînes d'informations en continu,
    • ne plus regarder les journaux télévisés des chaînes généralistes,
    • privilégier les reportages dont on connaît le sujet à l'avance, en direct ou en différé.

  • Laisser aux autres, les collègues de bureau ou l'entourage, le soin de faire le tri dans les informations.
      Il y a forcément (encore) quelqu'un autour de nous qui ne pratique pas la diète médiatique.
      Exemple : les discussions autour de la machine à café apprennent l'essentiel de l'actualité de la veille, avec l'avantage de ne pas avoir subi le stress du JT et avoir fait autre chose de plus intéressant à la place.

Les bienfaits de la diète médiatique

Les bénéfices que chacun peut retirer d'une diète médiatique sont nombreux. C'est une véritable cure d'hygiène mentale :

Bénéfices à court terme :
  • Disparition du stress rajouté par les médias à celui que l'on vit tous les jours,
  • Diminution substantielle du niveau d'anxiété,
  • Gain de temps. La diète médiatique permet de libérer du temps, facilement une ou deux heures par jour, que l'on peut mettre à profit pour soi, pour les autres ou pour une cause qui nous tient à coeur.
    Un exemple parmi d'autres : jouir du silence, si rare de nos jours.
  • Cerveau soulagé des informations inutiles et pouvant se concentrer plus facilement sur autre chose.

Bénéfices à moyen terme :
  • Optimisme et sérénité. On voit la vie de manière plus positive, on apprend à relativiser ce qui arrive.
  • Meilleure créativité, car le cerveau n'est plus encombré de préoccupations superflues,
  • Gain en liberté d'esprit permettant de développer sa "pensée critique",
  • Meilleures habitudes alimentaires, conséquences de la diminution du stress,
  • libération de l'esprit d'initiative.

Avant de se lancer dans une diète médiatique, on peut craindre de perdre le contact avec le reste du monde, de se sentir perdu. Mais après quelques jours, on s'aperçoit qu'il n'en est rien, que l'on peut bien se passer de cette surinformation qui nous rongeait et que l'on vit beaucoup mieux ainsi.


En terminant cet article, je viens de m'apercevoir que j'aurais pu écrire quelque chose de similaire sur une autre forme de diète, la diète publicitaire, très efficace pour la santé financière de chacun. Une autre fois peut-être...


Pierre Tourev, 19/07/2016



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