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Des "Trente Glorieuses"
aux inégalités d'aujourd'hui

Le mythe de la croissance et le démon de la dette



Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'au début des années 1970, les pays développés, avec des politiques économiques d'inspiration keynésienne, plutôt interventionnistes favorisant la régulation par la demande, ont connu une période (dite des "Trente glorieuses") de forte croissance, de plein emploi, relativement égalitaire, avec un accroissement rapide du pouvoir d'achat et un essor de la consommation de masse.

L'apparition de l'inflation marque alors un tournant. Dans ce système qui a atteint un certain seuil de richesse, avec une forte demande, l'inflation est étroitement liée à l'augmentation de la masse monétaire.

L'imposture

Réduire cette masse monétaire, pour réduire l'inflation aurait entrainé une chute de la croissance, voire la récession. La politique économique a alors consisté à vouloir le beurre et l'argent du beurre : Garder la croissance (et continuer à augmenter la masse monétaire) tout en jugulant l'inflation pour ne pas pénaliser les épargnants, les créanciers et les rentiers.

L'imposture que dénonce l'auteur du livre L'économie et la compréhension profonde des crises( lois-economiques.fr, 2015) a été de poursuivre la création monétaire afin de rechercher la croissance tout en faisant croire qu'il n'y avait pas d'inflation. C'est la croissance des produits de haut de gamme qui ne font pas partie du "panier" servant au calcul de l'évolution des prix qui a permis ce tour de passe-passe.

C'est à ce moment-là que sont entrées en jeu les politiques ultralibérales qui ont favorisé le pouvoir d'achat des plus hauts revenus par la baisse des impôts sur les particuliers et sur les entreprises. La masse monétaire peut alors croître de manière presque illimitée, générant une inflation limitée aux seuls produits de luxe, à l'immobilier et à tout ce qui n'entre pas dans le calcul de l'inflation "officielle". La spirale inflation / hausse des salaires peut se dérouler mais uniquement sur les plus hauts revenus.

La "masse" et les "possédants"

Les inégalités se creusent entre deux parties de population que l'on peut désigner, faute de mieux, par les "possédants" et la "masse". Les moyens financiers dont disposent les "possédants" ont aussi pour effet de mettre une forte pression sur les entreprises dans lesquelles ils ont investi pour qu'elles leur garantissent un rendement élevé. Délocalisation, concurrence entre travailleurs, remise en cause des droits des travailleurs, pression à la baisse sur les salaires : le cercle vicieux d'accroissement des inégalités est enclenché. Les Etats cherchent à le compenser par le recours à l'emprunt.

Les possédants La masse
Baisse des impôts, hausse des salaires. Gains de productivité pour produire les biens de consommation courants et baisse du coût du travail pour une meilleure rémunération des "investisseurs"
→ Augmentation du pouvoir d'achat

→ Accumulation de biens "haut de gamme"


→ Placements (immobilier, obligations, actions, fonds d'investissement spéculatifs, capitaux flottants)

→ Recherche d'une plus forte rémunération des produits financiers.

→ Intérêts versés par la "masse" (débiteurs, contribuables)

→ "Optimisation" fiscale (sociétés off-shore, paradis fiscaux, prix de transfert intra-multinationales, niches fiscales...)
→ Moins de travail disponible

→ Chômage, flexibilité, précarité, pauvreté, exclusion sociale

→ Recours à l'emprunt pour le logement sur des périodes de plus en plus longues


→ Incitation à contracter des prêts à la consommation

→ Intérêts versés aux "possédants"


→ Insolvabilité

Ainsi le sous-système des "possédants" devient de plus en plus riche, tandis que celui de la "masse" est de plus en plus pauvre. Cette analyse est sans doute excessive dans sa présentation car la réalité est plus complexe et il n'y a pas de discontinuité entre "la masse" et les possédants, mais elle montre bien la tendance générale.

Un jour viendra...

... où les emprunteurs, de moins en moins solvables, ne pourront plus rembourser leurs dettes et où tout le système s'écroulera. Aux Etats-Unis, la crise des subprimes a été un premier signe annonciateur de l'effondrement général. En étant au sein de la zone euro, la Grèce ne peut voir sa monnaie s'écrouler. Elle peut éviter, pour combien de temps encore, la cessation de paiement au prix de mesures drastiques qui enfoncent sa population dans toujours plus de pauvreté.

Après la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande, l'Italie, la France... entrent peu à peu dans ce cycle infernal de recherche de la croissance au prix de toujours plus d'inégalités. A terme, il y a un double risque, celui de l'explosion sociale de la "masse" qui se révoltera contre l'exploitation par les "possédants", ou bien l'implosion du système monétaire et économique mondial dont on n'ose imaginer les conséquences.

Sortir de l'imposture

Pour se sortir de cette situation, il faudrait cesser de considérer la croissance comme le remède universel et rendre à la monnaie sa vraie fonction, celle de faciliter les échanges. Quelques pistes, déjà évoquées par ailleurs, pour y parvenir :
  • instaurer une taxe sur les transactions financières (taxe Tobin),
  • n'autoriser les prêts que pour les investissements réellement utiles,
  • mieux répartir le travail (et donc le pouvoir d'achat),
  • augmenter l'impôt sur le capital et sur les hauts revenus et baisser celui qui pèse sur le travail,
  • augmenter fortement l'impôt sur les successions, voire les plafonner,
  • etc.


Pierre Tourev, 04/05/2016



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