
La citation du mois (Historique) "Le leader populiste dénonce toujours un système dont il est lui-même issu." Matthieu Suquière |
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Jackpot pour les riches
Promesses et politique fiscales de Nicolas Sarkozy
Seule la fin de l'asphyxie fiscale permettrait à l'économie de repartir et de créer des emplois. Ce discours simpliste des partis ultralibéraux et de l'UMP en particulier est le fondement d'une politique fiscale qui, lorsqu'on la décortique, montre qu'elle ne profite qu'aux riches et qu'elle ne fait et ne fera qu'accroître les inégalités.
Toute l'habileté de Nicolas Sarkozy, quand il était candidat, puis Président de la République, avant les élections législatives, a été de faire croire aux petits contribuables qu'ils allaient bénéficier de cette politique fiscale alors qu'il est évident qu'elle va profiter essentiellement aux grosses fortunes.
D'un côté, on valorise le travail : "travailler plus"... en étant payé moins (cela a été le lot de tous les pays qui ont goûté avant nous au néolibéralisme) et de l'autre on favorise les plus riches qui vivent de leur capital et le voient embellir.
L'impôt sur les sociétés
Le taux d'impôt sur les bénéfices des entreprises est actuellement de 34,33%. Il était de 45% en 1986. La baisse du taux n'a pas particulièrement profité aux entreprises car il n'existe aucun dispositif pour les inciter à réinvestir leurs bénéfices, créer des emplois ou financer de la recherche plutôt que de rémunérer les actionnaires sous forme de dividendes.
En outre, grâce aux artifices de la comptabilité, les grandes entreprises parviennent à transférer une partie de leurs bénéfices à l'étranger, sous des cieux fiscaux plus cléments, par exemple, en surfacturant des prestations à des filiales étrangères. Seule une harmonisation des impôts entre pays et l'arrêt du dumping fiscal mettra fin à ces pratiques.
Les niches fiscales
Contrairement au slogan maintes fois martelé par le candidat Nicolas Sarkozy, "Travailler plus pour gagner plus", en France il vaut mieux être rentier que travailleur. En effet, les défiscalisations ou les réductions d'impôts appliquées à certains types d'épargne permettent à ceux qui peuvent vivre de leur patrimoine financier de bénéficier du barème proportionnel et non progressif. Les mesures dérogatoires et les niches fiscales privent ainsi la communauté de 13 milliards d'euros.
Il existait en 2005 environ 400 niches fiscales (exonérations d'impôt sur l'épargne, aides aux propriétaires de biens immobiliers, dons aux oeuvres, investissements outre-mer...) représentant un magnifique cadeau essentiellement au profit des plus gros détenteurs de capitaux, qui ont les moyens de faire appel à des conseillers fiscaux spécialisés.
Le bouclier fiscal
Le bouclier fiscal consiste à plafonner le total des impôts à payer (impôts locaux, impôts sur le revenu, ISF) à 60% des revenus. Mise en place par le gouvernement Villepin, cette mesure n'a pas suscité beaucoup de réactions car chacun l'a transposée à sa propre situation financière. Un couple ayant 2500 euros de revenus par mois se voit difficilement en reverser plus de la moitié à l'Etat. Hors cette mesure ne concerne que les plus riches. Celui qui gagne 200 000 euros par mois peut vivre confortablement en payant 75% d'impôts. Il lui reste tout de même 50 000 euros, soit 20 fois plus que le couple précédent. Le bouclier fiscal ne concerne, en France, que 93 000 foyers sur 18 millions, soit 1 sur 200.
Rappelons que Nicolas Sarkozy a proposé de porter le taux du bouclier fiscal à 50%.
La suppression de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF)
Le supprimer au motif qu'il est injuste (l'exemple de l'Ile de Ré a fait beaucoup parler) reviendrait à faire un énorme cadeau aux plus fortunés. En effet, seulement 10% de ceux qui sont assujettis à l'ISF paient plus de 5000 euros.
L'impôt sur la fortune se justifie totalement dans la mesure où une partie non négligeable des services de la collectivité est dédiée à la protection du patrimoine (défense nationale, police, gendarmerie, justice, infrastructures pour le desservir...), y compris les biens professionnels, qui sont aujourd'hui exclus de l'assiette de l'ISF.
La baisse de la fiscalité sur les successions
Présenté comme impopulaire, l'impôt sur les successions concerne en fait peu de français. D'abord seulement environ 30% des décès ont donné lieu en 2006, à des successions imposables. En outre, les patrimoines qui se sont constitués durant la vie de leurs propriétaires sont, en général, pas ou peu imposés lors de la transmission, du fait des abattements existant et de leur niveau moyen relativement modeste (environ 100 000 euros). Les réductions de l'impôt sur les successions, mesures très populaires, bénéficieront essentiellement aux plus fortunés.
Voir l'article : Le plafonnement de l'héritage. Proposition pour mettre fin à un privilège..
Défiscalisation des heures supplémentaires
Le but est de travailler plus pour gagner plus. Tant pis pour ceux qui sont au chômage. Des effets pervers sont prévisibles, de l'avis même d'économistes du Conseil d'analyse économique. En effet, les entreprises seront incitées :
- à remplacer des hommes par des heures de travail supplémentaires.
- à remplacer des augmentations de salaires par des déclarations d'heures supplémentaires fictives, par entente entre employeurs et employés, au détriment de la collectivité.
Le coût pour le budget de l'Etat risque d'être exorbitant avec un effet très improbable sur la création d'emplois.
Déductibilité des intérêts d'emprunt pour les résidences principales
Une telle mesure ne peut avoir que de bonnes retombées électorales. Qui n'a pas envie de voir ses impôts baisser ou de pouvoir accéder plus facilement à la propriété s'il est locataire. Ce cadeau fiscal profitera en priorité aux classes moyennes et supérieures qui ont les moyens d'acheter un appartement de 100 000, 200 000 ou 300 000 euros. Mais, surtout, il aura pour effet d'entretenir la hausse du prix l'immobilier, éloignant d'autant la perspective pour les plus démunis de devenir propriétaires.
Son coût est évalué par Patrick Devedjian à entre trois et quatre milliards d'euros. Il faudra bien que quelqu'un les paie, et comme on l'a vu avec les cadeaux fiscaux précédents, ce ne sera certainement pas les plus riches.
Toutes ces mesures vont coûter près de 13 milliards d'euros, sans doute plus. Il sera difficile de tenir les engagements d'équilibre budgétaire ou de réduction de la dette..., à moins d'augmenter la TVA qui pénalise les plus faibles revenus.
Qu'importe, cela permettra d'afficher des résultats nettement plus médiatiques : celui du retour des exilés de l'ISF.
Les riches ne remercieront jamais assez les électeurs de Nicolas Sarkozy.
Pierre Tourev - 5 juin 2007
A propos de l'argument de la fuite des riches hors de France.
Le rapport du sénateur Philippe Marini indique que seulement 640 français assujettis à l'ISF ont quitté la France en 2005. A cette vitesse, il faudrait 600 ans pour que les riches disparaissent de France. Pendant ce temps, beaucoup d'étrangers s'installent dans l'Hexagone. Les 100 000 Britanniques qui y résident ne sont pas tous RMIstes, loin de là. Sinon leur présence ne contribuerait pas à faire monter les prix de l'immobilier dans le sud de la France.
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