
La citation du mois (Historique) "Le leader populiste dénonce toujours un système dont il est lui-même issu." Matthieu Suquière |
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A propos de l'héritage
Comment crever les "bulles de capital"
En fait, en tant que matérialiste mécaniste "pur" - c'est-à-dire que je considère que, dans un univers de matière, il n'y a de sens et de vérité que dans la perpétuation des dynamiques - mon "problème" est de trouver des "positions" sur les sujets du monde débarrassées de toute référence morale - puisque je ne considère les morales que comme la façon qu'ont les sociétés de se perpétuer, ou ce qui les définit, ce qui revient d'ailleurs au même.
Il est bien entendu hasardeux et difficile de partir d'un constat de "doute" aussi absolu pour en tirer des "avis" applicables au monde réel, celui-ci reposant la plupart du temps sur un historique de pensée "magique" et sa description elle-même sur un vocabulaire forcément structurant et donc limitant (voir à ce sujet les très bons articles de Wikipédia sur la Novlangue, le politiquement correct et l'hypothèse
de Sapir-Worf).
Pour l'héritage, j'ai tendance à penser l'organisation de répartition intra ou intergénérationnelle des richesses dans les sociétés humaines comme organisée autour d'un "triptyque" : mérite individuel, brevet et héritage.
Le "mérite" relèvent des capacités propres de l'individu : intelligence, adaptation, force, beauté..., c'est-à-dire du droit qu'a un individu qui produit des richesses plus ou mieux qu'un autre à recevoir une quote-part supérieure des richesses produites à l'intérieur de son groupe.
Le "brevet" consistant à reconnaître la primauté de l'individu "découvreur" ou à la source d'une dynamique (inventeur, chef d'entreprise, artiste...) comme prioritaire dans la répartition des richesses que l'exploitation de sa création génère - ce qui permet les notions d'entreprises, de royalties... et entraîne une forte démultiplication des richesses qu'un individu donné peut réclamer au groupe qui l'entoure.
L'héritage enfin est la reconnaissance du droit pour un individu de désigner à sa mort l'attributaire de ses biens - dans nos sociétés, en favorisant explicitement cette transmission aux enfants, ce qui n'a pas toujours été le cas et n'est pas universel. Les systèmes féodaux historiques ou actuels (Angleterre) pratiquent par exemple une gestion de l'héritage destinée à éviter une dispersion du capital.
Si aucun des trois leviers n'est activé, on se retrouve dans une société communiste "originelle" à De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. C'est évidement séduisant, mais cela suppose de chaque participant une telle adhésion idéologique que les limites du système se trouvent rapidement et son maintien en cohérence oblige très vite à envoyer les réfractaires dans une forme quelconque de Goulag.
Le communisme réel est d'ailleurs plutôt un système où seul le voyant "mérite" est allumé - ce mérite pouvant alors être une capacité à grimper les échelons du parti unique.
Si seul "héritage" est actif, on est dans une société féodale à tendance tribale - totalement stratifiée, proche de certaines organisations médiévales où le fils devait toujours pratiquer le métier du père.
Si "mérite" et "héritage", on est davantage dans une monarchie absolue avec une séparation nette entre noblesse et tiers-état, dans laquelle des mérites individuels peuvent être reconnus sans pour autant mener, sinon très exceptionnellement, à un changement de classe.
Si "mérite", "brevet" et "héritage" sont activés, on est alors dans une société capitaliste comme la nôtre, le débat droite-gauche portant essentiellement sur la position de chaque curseur.
J'ai l'impression qu'à terme "héritage" s'oppose à "brevet" et "mérite" par le fait que l'accumulation intergénérationnelle du capital tend à créer des "trous noirs" financiers dont l'argent ne peut plus s'échapper, la "gravité" qu'ils créent étant telle qu'ils ne peuvent pratiquement qu'augmenter - sauf à créer de temps en temps une redistribution majeure des cartes comme une guerre. A un certain moment, les mérites et brevets sont automatiquement propriété des "héritants", ce qui ré implique la stratification de la société en classes et à la création d'une "noblesse financière".
C.f. le baron de Rothschild : "les vrais riches sont ceux qui vivent avec les intérêts des intérêts du capital".
Il me semble que l'organisation sociale la plus adaptée devrait être fondée sur le "mérite" et le "brevet", mais sans l'"héritage", ce qui permettrait à la fois au groupe de bénéficier du moteur individuel que représente la perspective pour chaque individu de s'enrichir de façon importante, mais en favorisant les individus les plus capables en redonnant aux participants de chaque génération une place la plus possible identique sur la grille de départ (pour qu'elle soit vraiment identique, il faudrait supprimer la transmission culturelle intrafamiliale, ce qui devient totalitaire).
Je pense donc utile d'aller vers une taxation de l'héritage tellement élevée et rapidement progressive qu'elle pourra "crever" les "bulles de capital" qui nuisent au bon fonctionnement global de la machine économique, ce qui permettra également d'assurer à chaque citoyen des services de base utiles.
Cette évolution ne peut être que lente : l'évasion fiscale en cas d'augmentation localisée de cette pression risque d'aboutir au résultat inverse en faisant déguerpir les porteurs de richesse. Sans compter les oppositions "affectives" très présentes, chacun espérant pouvoir transmettre un "petit quelque chose" à ses enfants sans se rendre compte qu'au passage il les désavantage en les privant en quelque sorte d'une quote-part du "gros quelque chose" que laissent les personnes vraiment riches.
Par ailleurs, le rendement véritable de cet "impôt" ne permettra pas d'accomplir des merveilles : je crois que l'ensemble des biens transmis par héritage chaque année en France n'est que de l'ordre de deux ou trois fois l'impôt sur le revenu - mais je serais preneur de chiffres.
Guillaume Jacob, 18/10/2006
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