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Le Front national

Est-ce un parti fasciste, populiste, nationaliste, poujadiste ou d'extrême droite ?



Comment qualifier le Front national qui progresse en France d'année en année, d'élection en élection ? Profitant du champ laissé libre par l'effondrement de l'idéologie communiste, le Front national a pu prospérer dans une société devenue inégalitaire et désagrégée par le capitalisme sauvage et l'ultralibéralisme.

  1. Front national et fascisme

  2. Front national et populisme

  3. Front national et nationalisme

  4. Front national et poujadisme

  5. Front national et extrême droite


1 - Front national et fascisme

En 2011, Jean-Luc Mélenchon avait associé le qualificatif de "fasciste" à Marine Le Pen, alors candidate à l'élection présidentielle de 2012. Cette dernière ayant porté plainte contre le président du Front de Gauche pour injure publique a été déboutée en dernière instance le 28 février 2017 par la Cour de cassation, qui, si elle reconnait le terme "fasciste" comme "outrageant", considère que, ces propos "ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression" dans le cadre d'un débat politique.

Le Front national présente de fortes similitudes avec les mouvements fascistes des années 1930 :
  1. La primauté à la nation, la revendication du patriotisme,

  2. L'ordre :
    • Le rassemblement derrière un homme providentiel, incarné par le clan Le Pen : le père, la fille, la petite-fille,
    • La famille, cellule élémentaire de l'ordre social,
    • La religion (référence au christianisme) qui apporte l'ordre spirituel,
    • L'ordre moral, bouclier contre le dérèglement des moeurs, l'irrespect des autres et des hiérarchies.

  3. Un Etat fort censé protéger l'individu :
    • La priorité à la sécurité (police, armée, fermeté dans l'arsenal judiciaire).
    • Sur le plan économique, la remise en question du libre-échange et une forte régulation par l'Etat.
    • Sur le plan social, des emprunts à gauche, des promesses sur les retraites, la sécurité sociale, et les allocations familiales et du chômage, mais sans remettre en cause l'ordre social inégalitaire déjà établi.

  4. La méfiance envers les étrangers : Le péril migratoire. L'immigration est considérée comme le problème majeur de la France et les immigrés uniquement comme des charges.

Le fascisme italien était une réponse à la menace que représentait le mouvement ouvrier organisé autour du parti communiste, des socialistes et des syndicats. Aujourd'hui, cette menace n'existe plus. Après la chute de l'URSS et avec la désindustrialisation, le mouvement ouvrier est devenu atone. Le Front national se pose désormais en défenseur de la classe populaire et des oubliés de la mondialisation, mais c'est par pur opportunisme, dans le but de conquérir le pouvoir par les urnes.

2 - Front national et populisme

Le Front national répond à la plupart des caractéristiques d'un mouvement populiste :
  1. La référence au peuple pour l'opposer aux élites, aux intellectuels, au système politique actuel qui serait "corrompu" et accusé d'accaparer le pouvoir au détriment du plus grand nombre. Pour séduire le peuple, on l'alimente de préjugés diffusés au moyen de véritables "brèves de comptoir", avec l'amplification d'Internet et des réseaux sociaux. Le slogan de la campagne présidentielle 2017 : "Au nom du peuple" qui présente sa candidate en lien direct avec le peuple, en s'affranchissant des corps intermédiaires.

  2. La critique de la démocratie représentative qui fonctionne mal. Il faut "rendre le pouvoir au peuple".

  3. Des promesses électoralistes et financièrement irréalistes.

  4. La sollicitation des "bas instincts" de l'être humain comme le nationalisme, la xénophobie, voire le racisme.

  5. L'exacerbation des réflexes sécuritaires en suscitant la peur.

Cependant, il y a des limites à cette vision populiste du Front national. Ce parti ne veut pas remplacer les castes au pouvoir et les élites par le peuple, mais par une autre caste, la sienne. Il ne veut pas rassembler le peuple, mais, au contraire, d'une partie de celui-ci il fait ses boucs-émissaires comme les immigrés et ceux qui "profitent du système" en touchant le RSA sans travailler.

3 - Front national et nationalisme

Comme son nom l'indique clairement, le nationalisme est l'un des piliers du Front national. Le FN se qualifie lui-même de "parti patriote". C'est un parti nationaliste qui glorifie le mythe de la nation. Marine Le Pen a même accepté le qualificatif de "nationaliste-populiste".

Ce nationalisme se manifeste principalement autour de deux thèmes, de deux boucs-émissaires extérieurs qui seraient la cause de tous les problèmes que rencontre la société française :
  1. L'immigration rendue responsable du chômage, des déficits et de l'insécurité. Elle est présentée comme une menace pour l'identité nationale. En conséquence et logiquement le FN entend donner la priorité aux français : "la priorité nationale".

  2. L'Union européenne et l'euro considérés comme sources de contraintes et responsables de la perte d'une indépendance qu'il faudrait reconquérir.
Il en résulte des positions souverainistes et protectionnistes.

4 - Front national et poujadisme

Laissons de côté le fait que Jean-Marie Le Pen ait été député poujadiste en 1956. Plus de soixante ans après, le Front national, gardant l'empreinte de son fondateur, possède la plupart des caractéristiques du poujadisme (certaines ont déjà été évoquées plus haut) :
  1. Le rejet de la construction européenne,
  2. Le nationalisme,
  3. La critique du parlementarisme,
  4. La volonté de dépasser le clivage gauche / droite,
  5. La condamnation du système fiscal et des contributions fiscales qui oppressent les commerçants et les professions libérales.

5 - Front national et extrême droite

La plupart des éditorialistes et des observateurs considèrent que le Front national est un parti d'extrême droite. Marine Le Pen, qui fait tout pour dédiaboliser le parti afin de séduire le vote populaire, refuse catégoriquement ce qualificatif.

Pourtant le FN présente plusieurs des caractéristiques d'un parti d'extrême droite, caractéristiques plus ou moins marquées du fait d'une communication qui s'évertue à être plus policée.
  1. Le nationalisme : Cf. plus haut,

  2. Le traditionalisme : les racines chrétiennes de la France, Clovis, Jeanne d'Arc, l'opposition au mariage pour tous, la suppression du remboursement de l'IVG, etc.

  3. L'opposition radicale aux politiques libérales ou socialistes : respectivement représentées par Les Républicains et le PS. Repli de la France sur-elle-même, à l'abri de ses frontières.

  4. L'autoritarisme : volonté de renforcer l'autorité de l'Etat avec une cure de nationalisme. Donner davantage de moyens à la police et à l'armée. La "présomption de légitime défense" pour les policiers. Pour dédiaboliser le FN, Marine Le Pen a été amenée à écarter les éléments les plus autoritaires de son parti, à commencer par son propre père ainsi que les groupuscules les plus extrémistes.

  5. L'hostilité aux principes démocratiques. Cette hostilité est tempérée par la dédiabolisation en cours, mais les parlementaires sont critiqués pour leur non représentativité, avec pour objectif d'en réduire le nombre. Quant au FN, il fonctionne comme une monarchie dirigée par une dynastie, celle des Les Pen.

  6. La xénophobie, pouvant aller jusqu'au racisme. L'immigration, surtout africaine et maghrébine, mais aussi intra européenne, est considérée comme le problème majeur de la France. Une partie de l'électorat du FN, notamment dans le sud de la France, affiche (hors micros) une véritable nostalgie du "temps béni des colonies".

  7. La dénonciation de conspirations (franc-maçonnerie, "lobby juif, etc.). Le parti de Marine Le Pen dénonce le complot de la justice qui serait "en guerre contre le FN", le complot des médias, des syndicats, des puissances de l'argent, des autorités européennes qui favorisent l'invasion de la France par les immigrés. Il prophétise des "guerres interethniques", etc.

Un exemple du vrai visage du Front national :
"Un soir, j'étais invité chez les Maréchal, des proches des Le Pen. Christian Maréchal fait partie de la commission de discipline. A un moment de la discussion, le cas d'Alexandre Gabriac, exclu du Front suite à la publication d'une photographie de lui faisant le salut nazi, vient sur la table. Ils estimaient alors que cette affaire n'aurait jamais dû sortir dans la presse. Ce qui leur posait alors problème, ce n'est pas tant que l'un des adhérents ait commis une telle dérive, mais que l'information soit sue."
Claire Checcaglini, journaliste ayant infiltré le FN - atlantico.fr - Le FN côté sombre - 25 avril 2012.

La dédiabolisation (ou "désextrêmedroitisation") du Front National entreprise par Marine Le Pen se situe plus dans les apparences que dans le fond. Le slogan "ni droite, ni gauche, Français" s'apparente à de la méthode Coué et n'est qu'une incantation.

S'il semble y avoir de moins en moins de différences entre le Front national et Les Républicains qu'avant, ce n'est pas parce que le FN est moins d'extrême droite, mais parce que le parti Les Républicains, par avancées successives, chasse de plus en plus sur ses terres électoralistes.





Toute la difficulté pour juguler la progression du Front national est la conséquence du point 7 du chapitre Front national et extrême droite. L'attitude qui consiste pour le FN à se présenter comme victime de complots, comme une forteresse assiégée par des élites conspirationnistes, produit sur son électorat un effet paradoxal. Toute critique argumentée et recevable contre le parti, contre son programme ou contre ses dirigeants provoque l'effet inverse de celui qui était espéré. La critique est perçue comme l'une des manifestations du complot. Elle renforce l'idée que le complot existe bien et donc que le parti avait raison de le dénoncer et donc que la critique est infondée. On trouve des comportements similaires dans les sectes et dans la paranoïa.

Les critiques faites au FN apparaissent inopérantes pour ceux qui sont déjà tombés dans ses filets, mais elles sont sans doute utiles pour empêcher les autres d'y tomber.

Tout cela me rappelle une BD de ma jeunesse, "Les Schtroumpfs noirs" de Peyo et Yvan Delporte. A cause d'une piqure de la mouche Bzz sur l'un d'entre eux, les Schtroumpfs bleus vont tous devenir des Schtroumpfs noirs, en se mordant la queue les uns les autres, jusqu'à l'explosion finale qui les sauve en répandant l'antidote, le pollen de tubéreuse. Toute ressemblance entre le FN et la mouche Bzz est fortuite. Malheureusement, dans la vraie vie, on n'a pas encore trouvé l'antidote.


Pierre Tourev, 09/03/2017



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