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Stop TiSA !


Lettre aux ministres du Commerce




Cette lettre adressée aux ministres du Commerce, datée du 25 avril 2014, a été signée par 350 organisations représentant plus de 115 pays. Elle a pour but de dénoncer le nouvel accord plurilatéral en cours de négociation : l'Accord sur le commerce des services (ACS) ou TISA en anglais et de mettre en garde contre les dangers qu'il représenterait.




Chers ministres du Commerce,


Nous, organisations soussignées de la société civile, représentant des millions de membres à travers le monde, vous écrivons pour exprimer notre ferme opposition aux négociations d'un Accord sur le commerce de services plurilatéral (ACS ou TISA en anglais).
  • Aux pays membres du bloc des "Vrais bons amis [des services] (VBA)" qui participent aux négociations - Australie, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Hong Kong, Islande, Israël, Japon, Mexique, Nouvelle Zélande, Norvège, Panama, Pakistan, Pérou, Corée du sud, Suisse, Taiwan, Turquie, Etats-Unis et les 28 membres de l'Union européenne - nous demandons d'abandonner les négociations

  • Quant aux pays qui ne participent pas actuellement aux négociations, nous vous exhortons à enregistrer votre vive opposition et à vous engager à ne jamais joindre tout ACS potentiel à l'avenir.
Les négociations de l'ACS suivent en bonne partie l'agenda corporatiste qui consiste à utiliser des accords "commerciaux" pour consolider une dérégulation et libéralisation extrême, qui garantit plus de profits aux entreprises aux dépends des travailleurs, des paysans, des consommateurs et de l'environnement.

L'accord proposé est le résultat immédiat du plaidoyer systématique des entreprises transnationales dans les secteurs des banques, de l'énergie, des assurances, des télécommunications, du transport, de l'eau et d'autres services, par l'intermédiaire de groupes de pression tels que la Coalition des industries de services des Etats-Unis (USCI) et le Forum européen des services (FES).

En dépit de plusieurs crises financières, économiques, sociales et environnementales, les règles sur les services proposées pour l'ACS répliquent et dépassent largement les mêmes règles qui ont contribué à ces crises. Ces règles, contenues dans l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et les accords de libre-échange (ALE), "disciplinent" les mesures gouvernementales et limitent l'espace politique pour la règlementation.

La dérèglementation du secteur financier et du capital, encouragée en partie par l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) et les ALE des années 1990, a conduit à la récente crise financière globale et à la vague mondiale de récessions qui s'en est suivie. Le fait que des millions de personnes continuent à souffrir du chômage et des mesures d'austérité nous rappelle que la re-réglementation du secteur financier est cruciale pour reconstruire la stabilité et éviter d'autres crises financières et économiques.

Une forte régulation et contrôle des services fournis par le secteur public et privé est cruciale pour la démocratie, l'intérêt public et le développement et pour le fonctionnement ordonné des marchés des services. Nous craignons que ces valeurs et objectifs soient mis sérieusement en péril par l'ACS proposé.

La démocratie s'érode lorsque les décisions dans des secteurs importants - comme les services financiers (y compris les banques, le commerce des valeurs et de titres, la comptabilité et les assurances), l'énergie, l'éducation, les soins de santé, le commerce de détail, le fret naval, les télécommunications, les services juridiques, le transport et le tourisme - sont éloignés de ceux qui vivent avec ces résultats.

Des régulateurs domestiques et des comités de surveillance doivent déterminer les politiques domestiques sur ces sujets et non des négociateurs "commerciaux" qui ont fait preuve d'un fort penchant à entraver les réglementations et à donner la priorité aux profits corporatistes aux dépends de l'intérêt public.

Nous condamnons fermement le caractère secret des négociations de l'ACS, où les citoyens, les parlementaires, les syndicats, les agences de réglementation, les utilisateurs de services et autres parties intéressées ont un accès limité ou nul à ceux qui fixent les mandats de négociation, aux négociations, aux documents de négociation, alors que les multinationales fixent l'agenda et ont facilement accès aux négociations et aux documents.

Nous insistons sur le fait que, dans des négociations comme celles de l'ACS proposé, les textes de négociation doivent être publiés et des contributions sollicitées régulièrement de la part des agences de réglementation, des fournisseurs et utilisateurs des services publics, des parlementaires, des fonctionnaires étatiques et locaux et des organisations de la société civile. Les parlements et les législateurs doivent fixer des termes contraignants pour ces négociations, qui ne doivent pas devenir effectives sans un vote complet des élus.

L'ACS proposé est un assaut aux intérêts publics et il ne garantir pas que les investissements étrangers dans les secteurs des services promeuvent véritablement les objectifs publics et des économies durables. Nous sommes particulièrement inquiets de l'érosion additionnelle de services essentiels comme la santé et les assurances, la fourniture d'eau et d'énergie, la distribution postale, l'éducation, les transports publics, les services sanitaires et autres s'ils sont transférés à des multinationales privées et étrangères, motivées uniquement par les profits et s'ils sont accessibles seulement aux personnes qui peuvent payer les prix du marché.

Ces services essentiels - y compris ceux qui sont opérés par un mélange public/privé, sont en compétition avec des fournisseurs privés ou sont payants - ne devraient pas faire l'objet de négociations commerciales à huis clos et qui ne rendent aucun compte, comme celles de l'ACS.

Nous dénonçons l'ambition des VBA de consolider encore davantage certains secteurs des services dans des règles de dérèglementation de type AGCS (comme celles qui répètent l'article XVI de l'AGCS sur l'accès au marché et l'article VI sur la réglementation domestique), alors que les législateurs vont dans le sens d'une re-réglementation.

Nous rejetons aussi toute intention d'adopter de nouvelles restrictions cross-sectorielles sur les licences, les standards techniques et autres règlementations intérieures (aussi des règlementations qui affectent les entreprises locales et étrangères) qui dépasseraient les règles existantes de l'AGCS et des ALE en restreignant le droit de régulation des gouvernements et des parlements.

Nous dénonçons l'intention, dans l'ACS proposé, de promouvoir la libéralisation du "mouvement temporaire de personnes naturelles", qui sont de fait des travailleurs migrants, sans garantir une protection juridique de leurs droits humains et du travail. Le mouvement de travailleurs est hors de la compétence des accords commerciaux et il doit être géré dans le cadre normatif tripartite de l'Organisation internationale du travail (OIT).

L'ACS proposé constitue aussi une menace pour les pays qui n'y participent pas. L'Union européenne et les Etats-Unis ont dit clairement que leur intention est de "multilatéraliser" les négociations. Nous appelons à la vigilance contre la détermination de l'UE et des Etats-Unis de faire de l'agenda hyper-dérégulateur et de privatisation de l'ACS la "norme" globale et de mettre la pression sur d'autres pays pour qu'ils s'y joignent, notamment des pays qui accèderaient à l'OMC.

De surcroît, si l'ACS est conclu, il est à craindre que les pays signataires essaient de contourner les lignes directrices sur les négociations des services que les membres de l'OMC ont adoptées par consensus et qu'ils fassent bloc dans les négociations sur les services (AGCS) à l'OMC pour pousser d'autres pays à adopter le niveau de libéralisation et de dérèglementation de l'ACS. Nous dénonçons aussi l'ACS comme une tentative de faire avancer la liste de souhaits corporatistes des pays développés pour les services, tout en abandonnant les engagements pris dans l'Agenda de développement de Doha de répondre aux demandes des pays en développement, comme réparer les asymétries existantes et les règles inéquitables sur l'agriculture.

Le monde est encore en train de se remettre de la pire crise économique depuis presque un siècle, facilitée par la dérèglementation extrême de l'industrie des services financiers. Il est clair qu'une forte surveillance publique des services est nécessaire pour assurer que l'intérêt public a la priorité sur le profit privé. Nous rejetons les négociations de l'ACS, qui feraient précisément aller nos pays dans la mauvaise direction.


Les signataires, 25 avril 2014




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