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Le parti socialiste est-il un parti de gauche ?


Quelques considérations sur la notion de gauche




Le parti socialiste est-il un parti de gauche ? La réponse dépend bien évidemment de l'endroit depuis lequel on l'observe. Pour la droite, cela ne fait aucun doute, le PS est bien de gauche. Pour le Front de gauche, qui revendique le fait de représenter la "vraie gauche", le PS se fait élire sur un programme de gauche et, quand il arrive au pouvoir, il applique une politique libérale, parfois même qualifiée de droite. Quant aux membres ou aux sympathisants du Parti socialiste, on peut supposer qu'ils pensent, en toute bonne foi, faire partie de la gauche, mais c'est une gauche qui ressemble plutôt à la "gauche arithmétique".

Voici donc regroupées dans cet article quelques considérations générales sur la notion toute relative de "gauche" que l'on pourrait résumer ainsi : "on est toujours assis à la gauche de quelqu'un".


La gauche arithmétique

La vision arithmétique de la politique consiste à considérer que sont de gauche tous ceux qui font partie des 50% situés à gauche de l'électorat médian, en se basant sur des critères censés être discriminants.

Prenons le cas où le critère discriminant est le résultat d'une élection législative. Si l'on cumule toutes les voix des partis habituellement étiquetés à gauche (donc y compris le PS), au premier tour des élections législatives de 2012, on arrive à peine à 50%. Sous cet angle de vue, le PS apparaît donc bien comme étant de gauche.

Avec l'effet amplificateur du scrutin uninominal à deux tours, le PS se retrouve majoritaire à l'Assemblée nationale. Si l'on se base cette-fois-ci sur le critère du nombre de députés et de leur positionnement dans la chambre des députés, le centre de gravité du PS est encore situé à gauche, mais une partie significative de ses députés siègent sur le côté droit de l'hémicycle. Une partie significative du PS se retrouve donc à droite.

Inversement lorsque les élections législatives donnent une nette victoire à la droite, le PS se retrouve étriqué et refoulé sur la partie la plus à gauche de l'Assemblée. Une partie de la droite empiète alors sur la moitié gauche.

La "vraie" gauche ou "gauche nostalgique"

Avec des partis trotskistes qui ne représentent plus que 1 à 2% de l'électorat, les à peine plus de 10% du Front de gauche le relèguent "arithmétiquement" à l'extrême gauche. Or, il n'est jamais très agréable de se faire traiter d'extrémistes, de gauchistes, avec toutes les connotations négatives et peu envieuses que cela induit (intransigeance, irresponsabilité, utopisme,etc.) et les amalgames possibles avec des groupuscules extrémistes, voire violents. C'est la raison pour laquelle, le Front de gauche préfère se considérer comme étant la "gauche de la gauche" ou bien la "vraie gauche". Le PS est alors pointé du doigt, comme ayant trahi les idéaux de la gauche en menant une politique complaisante envers le patronat et les milieux financiers.

Cette vraie "gauche", que les plus anciens ont connue, est une "gauche nostalgique", celle du Front populaire, celle de l'Après-guerre, celle du Programme commun de la Gauche, celle d'avant le tournant de la rigueur de 1983 vers l'économie de marché.

La gauche historique

Si l'on remonte plus loin, jusqu'au XIXe siècle, la gauche historique, dans l'imaginaire, c'est celle qui a fait la révolution de 1848, celle qui a conduit la Commune de Paris, celle "dont monsieur Thiers a dit Qu'on la fusille !". C'est la gauche qui défend les ouvriers contre l'exploitation par le patronat, celle de la lutte des classes, celle de l'Internationale socialiste.
Mais la gauche d'aujourd'hui n'est plus la gauche d'autrefois.

La gauche horizontale ou la gauche de conscience de classe

Dans l'article "Gauche ou droite ? Horizontal ou vertical ?", j'essayais de définir la gauche comme une vision horizontale de la société et la droite comme une vision verticale. Par vision horizontale, j'entends une conception qui prend en compte la notion de classe sociale, qui nécessite une prise de conscience de l'appartenance à telle ou telle classe et une perception des contradictions et des conflits entre les différentes classes sociales, sans nécessairement aller jusqu'à la notion de lutte des classes. Le fait d'appartenir à une même classe sociale devient plus important que le fait d'être français "de souche" ou issu de l'immigration, catholique ou musulman, salarié du privé ou fonctionnaire, jeune ou vieux, etc.

Donner un rôle prépondérant à l'appartenance à une classe sociale conduit naturellement aux questions de la juste répartition des richesses produites, de la justice sociale, de la mixité sociale, de la mobilité sociale, etc. Il en résulte également un recours à la solidarité entre les classes sociales, notamment au moyen d'une fiscalité redistributive, mais aussi une solidarité au sein d'une même classe sociale (mutualisme, coopération, solidarité active, etc.).

La vision verticale, quant à elle, considère que l'important, c'est le fait d'être membre d'une catégorie de la population, d'une communauté, indépendamment de son niveau social. Dans ses discours, la droite, qui se trouve dans une approche verticale, met en exergue les différentes segmentations de la population. Plus on se rapproche de l'extrême droite, plus ces catégories ou communautés sont opposées entre elles, parfois jusqu'à la phobie : français d'origine, immigrés, chômeurs, assistés, fonctionnaires, "ceux qui travaillent et se lèvent tôt", les catholiques, les musulmans, les juifs, les homosexuels.


La gauche d'attribution de responsabilité

Cette approche du clivage gauche / droite est établie sur la façon dont l'individu attribue les responsabilités d'un succès ou d'un échec personnel (Cf. l'attribution causale).

En cas de succès personnel, une attitude de gauche serait plutôt d'en attribuer la responsabilité à un phénomène externe à la société, au contexte, à l'environnement, à la famille, aux amis, à l'Etat, à l'école, au hasard, etc. A l'inverse, une attitude de droite serait de l'expliquer plutôt par des raisons internes : ses mérites, son travail, son système de valeur, sa force de caractère, etc.

En cas d'échec personnel, une attitude de gauche serait d'y trouver plutôt des causes internes : un manque de motivation, un travail insuffisant, une inaptitude physique ou intellectuelle, etc. Une attitude de droite serait de mettre l'échec sur le compte de facteurs externes : l'environnement, la malchance, l'entourage, l'Etat qui a failli, les immigrés ou tout autre bouc émissaire, etc.

On retrouve dans cette approche la prévalence du social et de la solidarité pour la gauche et de l'individualisme et du libéralisme pour la droite.


Une dérive droitière en France


La notion même de "vraie gauche" ou de "gauche nostalgique" met en évidence une évolution significative de l'ensemble de l'électorat vers la droite depuis une trentaine d'années. Mais, la France a-t-elle vraiment été un jour à gauche ?

Lorsque le PS, censé représenter la "gauche", parvient au pouvoir, c'est surtout à l'occasion d'un vote de rejet, comme en 2012. Il conduit alors une politique libérale, légèrement teintée de social, sans aucune remise en question des fondamentaux du capitalisme et du système financier en face desquels, il n'y a plus d'idéologie pour nous faire rêver. Le communisme a échoué et est devenu marginal dans l'échiquier politique d'aujourd'hui. Le rideau de fer est tombé et, pour protéger le système capitaliste, il a été remplacé par le rideau de l'argent.

Secoué par des crises régulières, le capitalisme génère de fortes inégalités et pousse nombre de ceux qui n'ont plus de travail ni d'espoir, ceux qui se sentent injustement exclus et rejetés par la société, dans les bras des sirènes populistes et xénophobes qui leur désignent des boucs émissaires faciles (les immigrés, les fonctionnaires, l'Union européenne, la classe politique UMPS, etc.), c'est-à-dire dans les bras du Front National.


Gauche ou droite au moment de voter ?

La distinction gauche / droite est souvent remise en question au motif, souvent implicite, que le capitalisme a triomphé et que s'y opposer est illusoire. Cette manoeuvre de la pensée unique est un peu trop simpliste car, si l'alternative "clé en main" au capitalisme triomphant, comme l'a été le communisme au siècle dernier, n'existe pas, du moins pas encore, des pistes existent. Elles sont nombreuses et mais encore peu structurées, . mais ceci est une autre histoire.

En attendant cette alternative, la démocratie doit se régénérer lors de chaque élection, avec une offre politique qui est encore plus ou moins segmentée entre gauche et droite. Au moment de voter chacun choisit en fonction de sa propre représentation de la politique. Autant à droite l'offre est simple, une politique de droite, tout le monde voit à peu près ce que cela peut être, si l'on met à part le FN. A gauche, la division semble être une tendance naturelle, car il existe une multitude de visions du progrès social et encore davantage de chemins pour y parvenir (l'alternative encore à trouver évoquée plus haut), chacune d'elles se déclinant en autant de partis politiques, de courants ou de nuances, toujours prêts à se morceler davantage. A cela, vient se rajouter le trouble provoqué par la tactique politicienne à l'approche d'une élection.

Pourtant, avant de mettre son bulletin dans l'urne, l'électeur de sensibilité de gauche doit faire un choix :
  • s'abstenir ou voter blanc, ce qui revient à faire cadeau de sa voix à la droite,
  • choisir le candidat ou la liste la plus proche de ses propres idées : "Faute de grives, on mange des merles".
  • le candidat le moins pire : préférer avoir la grippe que le choléra.


Pierre Tourev, 18/04/2014



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