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Les indicateurs de la pandémie
de Covid-19

Des courbes qui soulèvent des questions
sur la durée du confinement



Sommaire :

A l'heure où j'écris ces lignes, nous sommes au milieu du confinement imposé à une grande partie de la population mondiale, dont celle de la France, à cause de ce fichu coronavirus, nommé Covid-19.

Tous les jours, un peu après 19h, le Directeur général de la Santé fait un point sur la crise sanitaire, en citant de nombreux chiffres dont il est difficile de saisir toute la signification et surtout leur interdépendance, c'est-à-dire comment ils sont liés les uns avec les autres.

Ces chiffres sont disponibles sur le site du gouvernement : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/carte-et-donnees
Les chiffres, présentés en valeurs cumulées ou en niveau d'occupation, sont difficiles à interpréter et ne permettent pas de comprendre les évolutions au jour le jour et dans le temps.

Des pics, des vagues et des plateaux

Les commentaires qui accompagnent cette comptabilité sanitaire empruntent à la terminologie montagnarde et maritime : on nous parle de pic, de vague, de plateau. Mais concrètement qu'est-ce-que cela signifie ?

Quant aux journalistes, toujours prompts à prendre des raccourcis de langage, il leur arrive même d'annoncer que "le nombre de morts a encore augmenté pour atteindre [10 000]". Peut-être espéraient-ils quelques résurrections à l'approche de Pâques ?

Je n'ai aucune compétence en épidémiologie, en virologie ou dans un quelconque domaine de la santé, mais dans ma carrière professionnelle, j'ai manipulé de très nombreux indicateurs souvent interdépendants. Aussi, aidé de mon fidèle tableur, j'ai essayé de reconstituer en les modélisant la logique et la chronologie de ces indicateurs. Dans les graphiques présentés, je n'ai pas cherché à m'approcher au plus près des trajectoires nationales, mais plutôt à obtenir les ordres de grandeur et surtout les tendances.

Nombre de personnes contaminées

Au début de l'épidémie, le nombre de personnes contaminées évolue très vite, de manière exponentielle, chaque personne pouvant en contaminer plusieurs (ce qu'on appelle le taux de contamination). Ce qui importe, c'est sa variation journalière qui va déterminer ce qui se passe par la suite.

Si l'on ne fait rien, le nombre de personnes contaminées chaque jour augmente très rapidement, puis finit par ralentir car plus l'épidémie progresse moins il reste de personnes saines à contaminer. Ce n'est pas cette option qui a été retenue dans la plupart des pays, mais celle du confinement en début de pandémie pour éviter d'asphyxier les services de santé et réduire le nombre de décès.

Dans mon calcul, j'ai opté pour un taux de contamination de 3, une personne infectée va en contaminer trois autres durant sa période de contagiosité.

Si, au jour J=0, les autorités prennent une mesure de confinement absolu où chaque personne n'entre en contact avec aucune autre, dès le lendemain le nombre de nouveaux cas tombe à zéro et le virus disparait dès que le dernier malade n'est plus contagieux.

Nota : L'axe horizontal représente les jours. J=0 (J0) est le début du confinement soit le 17 mars 2020 en France.

Dans la pratique cela n'est pas possible car, malgré un confinement strict, il reste néanmoins des sources de contamination possibles, mais en nombre beaucoup plus réduit par rapport au total de la population. C'est le cas par exemple pour les :
  • personnes vivant dans le même lieu qu'une personne contaminée,
  • personnels soignants en contact avec les malades,
  • personnes travaillant pour la fourniture de produits de première nécessité,
  • personnes empruntant les transports en commun sans moyens efficaces de protection,
  • personnes ne respectant pas les règles de confinement,
  • etc.
Ces contaminations durant le confinement ont tendance à décroître :
  • toutes les personnes vivant dans un même lieu ayant été contaminées,
  • la mise en place progressive des mesures de distanciation sociale,
  • la prise de conscience des enjeux de la part de la population,
  • l'affinement ou le durcissement des règles de confinement par le gouvernement.
Hypothèses prises pour les calculs :
Après J0, le taux de contamination décroît rapidement de 3 à 0,7, et permet, en cumulé, d'atteindre au 6% de personnes ayant été contaminées.

La courbe descendante a une allure plus amortie que pour le confinement absolu :


Nota : J'ai un peu tenu compte de l'impact des premières mesures prises quelques jours avant J0 (fermetures des écoles, des salles de spectacles, des cafés et des restaurants)

Il y a bien là un véritable pic. Cet indicateur est crucial, c'est de lui que découle tout le reste. Son problème majeur, c'est qu'on ne sait pas le mesurer. Si ce type de mesure était possible, il faudrait tester tous les jours toutes les personnes qui n'étaient pas contaminées la veille. Le nombre de cas confirmés positifs au Covid-19, dont la courbe est présentée sur le site du gouvernement, ne représente en rien la réalité des contaminations réelles, mais elle est la conséquence directe de la politique de dépistage mise en oeuvre.

Entrées en hospitalisation (flux journalier)

Les premiers symptômes de la maladie apparaissent quelques jours après la contamination. Puis quelques jours après, l'aggravation de l'état de santé d'une faible partie de la population peut nécessiter une hospitalisation. Dans ma simulation, la durée moyenne avant l'entrée en hospitalisation est de 12 jours (7 pour l'apparition des symptômes et 5 pour l'aggravation) et elle concerne 6 % des contaminés.

Comme les durées d'incubation et d'aggravation varient autour d'une durée moyenne, pour mes calculs, j'ai tenu compte d'une répartition en forme de "cloche" autour de cette moyenne.



Cela a pour effet d'aplatir la courbe des admissions journalières à l'hôpital qui n'est plus un pic, mais une bosse.



Il s'agit là des entrées théoriques, car il peut y avoir dans le temps des variations dans les politiques d'hospitalisation selon que l'on est proche ou éloigné de la saturation en nombre de lits disponibles (voir ci-dessous).

Hospitalisations

Si l'on fait un parallèle avec la logistique, le nombre de personnes hospitalisées un jour donné (les hospitalisations) peut être appréhendé comme un stock. Les hospitalisations aujourd'hui (jour J) sont égales aux hospitalisations de la veille (J-1) plus les entrées du jour J (les nouvelles personnes hospitalisées et les retours de réanimation) moins les sorties du jour J (les entrées en réanimation et les personnes guéries).
Soit :
Hospitalisations (J) = Hospitalisations (J-1) + Entrées en hospitalisation (J) + Retours de réanimation (J) - Entrées en réanimation (J) - Guérisons (J)

Hypothèses prises pour les calculs :
  • Il s'agit des hospitalisations simples, hors réanimations qui seront calculées au paragraphe suivant.
  • Entrées en réanimation : 25 % des entrées en hospitalisation au bout de 5 jours en moyenne.
  • Retours de réanimation : 50 % des entrées en réanimation, au bout de 14 jours en moyenne
  • Guérisons : 87,5 % (100 %-25 %*50 %) des entrées en hospitalisation au bout de 15 jours en moyenne.


Cet indicateur est suivi avec attention par le monde médical et les pouvoirs publics car il mesure le niveau de saturation du système de santé dû à la pandémie. Son évolution dans le temps a une forme encore plus émoussée que le nombre de nouvelles personnes hospitalisées, d'où l'expression de plateau.

Cet effet de "plateau" peut être encore plus marqué si les besoins en hospitalisations dépassent le nombre de lits disponibles. Ce plafond des hospitalisations peut cependant être dépassé par l'ouverture temporaire de nouveaux lits (réaffectations internes, entraides entre régions, avec les cliniques privées ou avec des pays voisins, hôpitaux militaires, etc.).



Réanimations

Le nombre de personnes en réanimation un jour donné peut être analysé de la même manière que les hospitalisations, comme un stock.
Les réanimations aujourd'hui (jour J) sont égales aux réanimations de la veille (J-1) plus les entrées en réanimation du jour J moins les sorties du jour J (les personnes sorties de réanimation et retournant en hospitalisation simple et les personnes décédées).
Soit :
Réanimations (J) = Réanimations (J-1) + Entrées en réanimation (J) - Retours de réanimation (J) - Décès (J)

Hypothèses prises pour les calculs :
  • Pour simplifier, il n'y a pas d'entrées directes en réanimation, mais toujours un passage préalable, même très court en l'hospitalisation simple.
  • Entrées en réanimation : 25 % des entrées en hospitalisation au bout de 5 jours en moyenne.
    Retours de réanimation : 50 % des entrées en réanimation au bout de 14 jours en moyenne.
  • Décès : 12,5 % (25 %*50 %) des entrées en réanimation au bout de 15 jours en moyenne. Ce qui fait un taux global de mortalité de 0,75 % par rapport au nombre total de personnes contaminées (6 % ⇒ en hospitalisation, 25 % ⇒ en réanimation, 50 % ⇒ décès en réanimation).



Dans mon exemple, l'évolution des réanimations est décalée de 5 jours (Cf. ci-dessus) par rapport aux hospitalisations. La courbe est encore plus émoussée que pour les hospitalisations car on cumule davantage de durées moyennes (Contaminations ⇒ Hospitalisations, Hospitalisations ⇒ Réanimations, Réanimations ⇒ sorties de réanimation, Réanimations ⇒ Décès).

Comme pour les hospitalisations, cet effet de "plateau" peut être encore plus marqué lorsque les besoins en réanimations dépassent le nombre de places disponibles. Même remarque que pour la gestion du plafond des hospitalisations avec, en plus, la possibilité de "prioriser" les malades devant être pris en charge en réanimation, c'est-à-dire trier entre ceux qui pourront être soignés et ceux qui ne pourront pas l'être.



Décès journaliers

Comme indiqué plus haut, j'ai pris l'hypothèse de 0,75 % de décès par rapport au nombre de contaminations.



Dans cette simulation, le nombre de personnes décédées journellement atteint son maximum 23 jours après le début du confinement.

En effet, il y a quatre délais qui se cumulent :
  • la durée d'incubation et d'apparition des premiers symptômes,
  • la durée d'aggravation des symptômes jusqu'à la nécessité d'hospitalisation,
  • la durée d'hospitalisation simple (sans réanimation et assistance respiratoire),
  • la durée de réanimation jusqu'à l'issue fatale.
Les effets du confinement apparaissent un peu plus tôt dès que la courbe des décès commence à s'infléchir (ici au bout d'une quinzaine de jours). Cela est dû au fait que les délais indiqués plus haut sont une moyenne et qu'une partie des décès intervient avant la moyenne et une autre partie après.

La courbe des décès est la conséquence d'un état du niveau des contaminations bien antérieur, ce qui peut être source de confusion. Par exemple, prétexter que la courbe de mortalité est encore sur un plateau à un niveau élevé pour dire que c'est une raison pour maintenir le confinement est une erreur de raisonnement. L'erreur est le lien de causalité. Mais cela ne remet pas en cause la nécessité de respecter les règles de confinement qui est une question de santé publique.

C'est comme si on attribuait la cause d'un surpoids de 30 kg au seul repas pris la veille ou que si l'on attribuait les crues du delta du Rhône à la pluie du jour même sur les Alpes, sans tenir compte du temps d'écoulement de l'eau.

De tels propos que l'on a pu entendre relèvent plutôt du politiquement correct en ces temps d'"union sacrée" face à cet ennemi invisible ou d'une communication délibérément dissuasive pour que la population terrorisée reste confinée.

Remarque : Si, dans mes calculs, le confinement commence une semaine plus tôt, le 10 mars, le nombre total de morts est divisé par 4 et les hôpitaux n'arrivent pas à saturation. Cela se comprend lorsque l'on voit le rythme de progression des contaminations avant le confinement et explique pourquoi certaines régions et certains pays sont beaucoup moins touchés que d'autres. Mais la vraie vie, ce n'est pas comme sur un ordinateur, il n'y a pas la touche "Contrôle z" (retour en arrière) pour recommencer la guerre contre le Covid-19 et il est toujours facile de dire après coup ce que l'on aurait dû faire.

Vue d'ensemble

Lorsqu'on positionne sur le même graphique avec la même échelle des temps les quatre courbes, contaminations, hospitalisations, réanimations et décès, on voit clairement apparaître le décalage des phénomènes dans le temps.


Nota : pour la lisibilité du graphique, il y a une double échelle verticale, celle de gauche pour les contaminations journalières, celle de droite pour les hospitalisations, les réanimations et les décès. Les décès journaliers ont été multipliés par 50 pour les rendre lisibles sur le graphique.

Quelques interrogations

Dès lors, on peut légitimement s'interroger sur la communication qui est faite autour de ces chiffres notamment lorsqu'il est dit, par exemple, à J+30 : "les réanimations commencent à diminuer, c'est bien la preuve qu'il faut poursuivre le confinement". Pas du tout, c'est la preuve que le début du confinement, une vingtaine de jours plus tôt, commence à porter ses fruits et, en supposant que le confinement s'est poursuivi dans les mêmes conditions entre J0 et J+30, la baisse amorcée va mécaniquement se poursuivre.

Ainsi le 13 avril 2020, soit à J+27, le président de la République a annoncé une prolongation du confinement jusqu'au 10 mai inclus, soit J+55.
La façon dont cette date a été déterminée n'a pas été expliquée. Pourquoi pas le 27 avril ou le 24 mai ?

Il me paraît important que les Français, concernés au premier chef, sachent comment cette date a été fixée :
  • Est-ce pour y inclure les traditionnels week-ends prolongés du 1er et du 8 mai et éviter la tentation de départ des citadins vers la Province ?

  • Est-ce pour attendre l'arrivée des masques et des tests de dépistage qui ont tant fait défaut pendant toute la crise ? Ce serait une pénurie bien cher payée.

  • A-t-on constaté une augmentation des contaminations dans les jours qui ont précédé l'allocution présidentielle ? A ma connaissance, aucun chiffre n'a jamais été donné sur le niveau des contaminations intervenues durant le confinement.

Ce n'est pas que je veuille défendre le capitalisme, mais il ne faudrait pas qu'un excès de prudence (le principe de précaution) et une pénurie de masques mettent à genoux toute l'économie dont le coup d'arrêt brutal pendant de si longues semaines pourrait avoir des conséquences désastreuses pour plusieurs années, et nous amène à un niveau d'endettement public insupportable.

Un autre phénomène doit être relevé, c'est l'écart important qu'il y a entre le maximum des courbes théoriques d'hospitalisations et le "plateau" (nombre de places disponibles, donc occupées au plus fort de la crise). Le constat est identique pour les réanimations. Certes mes chiffres ne sont que des ordres de grandeur, mais ils sont encadrés par les deux extrémités : le nombre de personnes contaminées, 6% de la population, et nombre de décès. Un indicateur de ce type de phénomène ne peut prendre une trajectoire de plateau sur une telle durée. L'écart constaté ne peut s'expliquer que par un manque de lits. La gestion de cet écart par les autorités sanitaires et gouvernementales soulève donc la question du tri des malades, entre ceux que l'on choisit de soigner et ceux qui sont laissés chez eux, dans les EHPAD, ou dans les hôpitaux psychiatriques.

Le Canard enchaîné, dans son numéro du 22 avril 2020 met le doigt sur ce problème en titrant dans l'un de ses articles : Les vieux ont-ils été privés de réa ?

"Une circulaire du ministère de la Santé aurait-elle conduit à une aggravation du bilan de l'épidémie pour les patients les plus âgés ? C'est la question que, du bout des lèvres, se posent certains professionnels.
Daté du 19 mars, le document suggérait de limiter fortement l'admission en réanimation des personnes les plus fragiles. Motivé par le souci de nombreux médecins d'éviter l'acharnement thérapeutique et les souffrances inutiles comme par la crainte de manquer de lits pour les malades les plus jeunes, ce conseil semble avoir été appliqué de manière un peu trop systématique..."


A défaut d'avoir bien géré la pandémie, le gouvernement aura géré au mieux la pénurie. Il ne reste plus qu'à payer l'addition.


Pierre Tourev, 20/04/2020, mise à jour le 30/04/2020



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