
La citation du mois (Historique) "Le leader populiste dénonce toujours un système dont il est lui-même issu." Matthieu Suquière |
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A-t-on encore besoin du peuple ?
Le peuple n'est pas mort, répondent les Indignés et les "Occupy"
A-t-on encore besoin du peuple ? On pourrait en douter quand on voit la réaction effrayée, puis intransigeante des gouvernants qui nous dirigent et des "marchés" qui gouvernent nos dirigeants, à l'annonce par Geórgios Papandréou, alors Premier ministre de la Grèce, de son intention d'organiser un référendum sur le plan de sortie de crise approuvé cinq jours plus tôt par l'Eurogroupe. L'économie est quelque chose de trop sérieux pour la laisser entre les mains du peuple qui n'y comprend décidément rien et a, en outre, la prétention de vivre dignement.
On l'a d'ailleurs bien vu lors du référendum de 2005 portant sur le "Traité établissant une Constitution pour l'Europe" (TCE). Le "NON" français et hollandais n'étaient pas la bonne réponse aux yeux des élites. Aussi, Nicolas Sarkozy et ses alliés européens ont contourné l'obstacle avec un traité à peine remanié, le Traité de Lisbonne, que le Parlement réuni en Congrès s'est empressé de ratifier en févier 2008, presque en catimini, au moment où l'on annonçait le mariage du Président avec Carla Bruni. Voir l'article "Traité de Lisbonne sans référendum : Un déni de démocratie".
Le peuple est regardé comme une masse ignorante, grégaire et intolérante. "S'il vote librement, c'est pour placer les islamistes tunisiens en tête des élections. Ou le peuple, c'est juste l'indignation folklorique : contre-sommet de Nice impuissant à infléchir le G20 de Cannes", ironise François Cusset dans son article "Quand le peuple se rebelle" (Le monde, 7 novembre 2011).
Le peuple, ce serait aussi une masse facilement malléable par la démagogie et le populisme. Nicolas Sarkozy a, quant à lui, une technique éprouvée et efficace - elle l'a conduit au pouvoir en 2007 - et qu'il a déjà commencé à mettre en ouvre pour la campagne des présidentielles de 2012. Cette technique, c'est le saucissonnage et le bouc émissaire. Par leur discours, lui et son parti saucissonnent, cloisonnent la société en tranche et montent les Français les uns contre les autres. "Votre ennemi, c'est l'immigré qui vient manger votre pain, c'est le fonctionnaire qui se la coule douce, c'est le chômeur qui est payé à rien faire, c'est le malade que l'on soigne à vos frais, c'est le pauvre qui se vautre dans la paresse grâce à ses allocations et revenus sociaux payés avec vos impôts, c'est le profiteur qui se met abusivement en arrêt maladie, etc."
Tour à tour profiteur et victime ! Tout le monde a une bonne raison de culpabiliser. Mais tout le monde a des voisins qui sont des profiteurs. C'est "diviser pour mieux régner".
En période de crise, le peuple retrouve cependant une utilité, celle de devoir supporter le coût de la dette, même s'il n'y est pour rien. C'est lui qui doit se serrer la ceinture, rogner sur ses acquis. Et encore culpabiliser car on le persuade qu'il est à l'origine de la crise.
Pourtant le peuple commence à bouger avec le printemps arabe, les émeutes dans la banlieue de Londres, les émeutes en Grèce, les indignés en Espagne et surtout le mouvement "Occupy" aux Etats-Unis, au pays du capitalisme triomphant où le peuple a été laminé par le "chacun pour soi", par les fonds de pension, par la crise des subprimes. Bien qu'inorganisé, sans revendication commune, sans leader, sans passé militant, ce mouvement s'est répandu dans plus de 500 villes aux Etats-Unis et au Canada. Il montre chaque jour à la fois sa diversité, sa détermination et son unité. Tous ces rebelles qui occupent l'espace public, qui ne veulent plus être des morts-vivants ou des téléspectateurs avachis, qui refusent les hiérarchies et qui préfèrent la démocratie directe à la démocratie représentative, nous font comprendre que le peuple n'est pas encore réduit à un amas grégaire, manipulable et tout juste bon à se choisir un "sauveur" ou un dictateur. Non, il peut reprendre son destin en main, se remobiliser après des décennies d'apathie et redevenir un peuple de citoyens.
Pierre Tourev, 20/11/2011
"Les peuples n'ont pas élu leurs gouvernements pour que ceux-ci les "offrent" au marché. Mais le marché conditionne les gouvernements pour que ceux-ci leur "offrent" leurs peuples. Avec la mondialisation libérale, le marché est l'instrument par excellence de l'unique pouvoir digne de ce nom, le pouvoir économique et financier. Celui-ci n'est pas démocratique puisqu'il n'a pas été élu par le peuple, n'est pas géré par le peuple, et surtout parce qu'il n'a pas pour finalité le bonheur du peuple."
José Saramago, écrivain portugais - Le Monde Diplomatique, octobre - novembre 2005
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