
La citation du mois (Historique) "Le leader populiste dénonce toujours un système dont il est lui-même issu." Matthieu Suquière |
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Tourpilles Recueil de citations
La Société de consommation
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Jean Baudrillard
Denoël - 1970
"La publicité est "dispensée", c'est une offre gratuite et continuelle à tous et pour tous. Elle est l'image prestigieuse de l'abondance, mais surtout le gage répété du miracle virtuel de la gratuité. Sa fonction sociale est donc celle d'un secteur des relations publiques. On sait comment procède celles-ci : visite d'usines (Saint-Gobain, stages de recyclage des cadres dans les châteaux Louis XIII, sourire photogénique du Directeur général, oeuvres d'art dans les usines, dynamique du groupe : "la tache d'un R. P. man est de maintenir une harmonie d'intérêts mutuels entre les publics et les managers"). De la même façon, la publicité sous toutes ses formes a pour fonction la mise en place d'un tissu social idéologiquement unifié sous les auspices d'un super-mécénat, d'une super féodalité gracieuse, qui vous offre tout ça "en plus", comme les nobles donnaient la fête à leur peuple."
Jean Baudrillard - 1929-2007 - La Société de consommation, 1970
"Nos moralistes voudraient bien réduire ce problème de société à un problème de "mentalité". Pour eux, l'essentiel est déjà là, l'abondance réelle est là, il suffit de passer de la mentalité de pénurie à la mentalité d'abondance. Et de déplorer que ce soit si difficile, et de s'effarer de voir surgir des résistances à la profusion. Il n'est pourtant que d'admettre un instant l'hypothèse selon laquelle l'abondance n'est qu'un (ou du moins est aussi) système de contraintes d'un type nouveau pour comprendre aussitôt qu'à cette nouvelle contrainte sociale (plus ou moins inconsciente) ne peut que répondre un type nouveau de revendication libératrice. En l'occurrence, le refus de la "société de consommation", sous sa forme violente et érostratique (destruction "aveugles" de biens matériels et culturels) ou non violente et démissive (refus d'investissement productif et consommatif). Si l'abondance était liberté, alors cette violence serait en effet impensable. Si l'abondance (la croissance) est contrainte, alors cette violence se comprend d'elle-même, elle s'impose logiquement. Si elle est sauvage, sans objet, informelle, c'est que les contraintes qu'elle conteste sont elles aussi informulées, inconscientes, illisibles : ce sont celles mêmes de la "liberté", de l'accession contrôlée au bonheur, de l'éthique totalitaire de l'abondance."
Jean Baudrillard - 1929-2007 - La Société de consommation, 1970
"Tout comme il existe des modèles de consommation, la société suggère ou met en place des "modèles de violence", par où elle cherche à drainer, à contrôler, à mass-médiatiser ces forces irruptives.
En effet, pour empêcher que ce potentiel d'angoisse accumulée du fait de la rupture de la logique ambivalente du désir, et donc de la perte de la fonction symbolique, ne résulte en cette violence anomique et incontrôlable, la société joue à deux niveaux :
1. D'une part, elle tente de résorber cette angoisse par la prolifération des instances de la sollicitude : rôles, fonctions, services collectifs innombrables - partout on objecte du lénifiant, du souriant, du déculpabilisant, du lubrifiant psychologique (tout comme du détergent dans les produits de lessive). Des enzymes dévorant l'angoisse. On vend aussi du tranquillisant, du relaxatif, de l'hallucinogène, de la thérapie de tout poil. Tâche sans issue, dans laquelle la société d'abondance, productrice de satisfaction sans fin, épuise ses ressources à produire aussi l'antidote à l'angoisse née de cette satisfaction. Un budget de plus en plus lourd passe à consoler les miraculés de l'abondance de leur satisfaction anxieuse. On peut l'assimiler au déficit économique (d'ailleurs non comptabilisable) dû aux nuisances de la croissance (pollution, obsolescence accélérée, promiscuité, rareté des biens naturels) mais il les dépasse sans aucun doute de très loin.
2. La société peut essayer - et elle le fait systématiquement - de récupérer cette angoisse comme relance de la consommation, ou de récupérer cette culpabilité et cette violence à leur tour comme marchandise, comme biens consommables, ou comme signe culturel distinctif. Il y a alors un luxe intellectuel de la culpabilité, caractéristique de certains groupes, "une valeur d'échange/ Culpabilité"."
Jean Baudrillard - 1929-2007 - La Société de consommation, 1970
"Cette société qui se donne et se voit toujours en progrès continu vers l'abolition de l'effort, la résolution des tensions, vers plus de facilité et d'automatisme, est en fait une société de stress, de tension, de doping, où le bilan global de satisfaction accuse un déficit de plus en plus grand, où l'équilibre individuel et collectif est de plus en plus compromis à mesure même que se multiplient les conditions techniques de sa réalisation."
Jean Baudrillard - 1929-2007 - La Société de consommation, 1970
"Au lieu d'égaliser les chances et d'apaiser la compétition sociale (économique, statutaire), le procès de consommation rend plus violente, plus aiguë la concurrence sous toutes ses formes. Avec la consommation, nous sommes enfin seulement dans une société de concurrence généralisée, totalitaire, qui joue à tous les niveaux, économique, savoir, désir, corps, signes et pulsions, toutes choses désormais produites comme valeur d'échange dans un processus incessant de différenciation et de surdifférenciation."
Jean Baudrillard - 1929-2007 - La Société de consommation, 1970
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