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L'inflation comme scénario possible de sortie de crise
La crise économique a mis en évidence que la croissance de ces dernières années était une croissance en trompe-l'œil, puisque fondée sur un accroissement excessif de l'endettement des ménages. En France, ce taux d'endettement est passé de 53% à près de 75% entre 2000 et 2008 (rapport entre les crédits et les revenus bruts disponibles, source INSEE). Aux Etats-Unis, il a été proche de 140% en 2008 (100% en 2000). Au Royaume-Uni, il a presque atteint 180% en 2008 (110% en 2000). En Espagne, il est de l'ordre de 130%.
Lorsque les ménages n'ont plus été en mesure d'honorer le remboursement de leurs emprunts (crise des subprimes, puis crise financière et économique), les Etats ont engagé de colossaux plans de renflouement des banques, de sauvetage des marchés financiers et de soutien à des secteurs industriels considérés comme stratégiques, ainsi que des plans de relance pour la consommation ou l'investissement. La conséquence de tous ces plans est l'accroissement vertigineux de la dette publique des Etats. Elle est de 77% en France en 2009, on annonce 88% en 2012. Les économistes du Fonds monétaire international estiment que, dans les dix pays les plus riches, la dette publique atteindra 114 % du PIB en 2014, contre 78% en 2007.
Et cette dérive n'est pas finie, car les plans anticrises, hormis le fait d'avoir stoppé la chute des cours de bourse, n'ont pas encore eu d'impact sur l'économie et encore moins sur le pouvoir d'achat. On n'éteint pas un incendie dans une raffinerie en l'arrosant d'essence. Pendant ce temps, le chômage ne cesse de croître. Qui plus est, Nicolas Sarkozy veut en remettre une couche en lançant un grand emprunt national qui va encore accroître le niveau d'endettement de la France.
Aucune des mesures prises par les gouvernements occidentaux ne va dans le sens d'une meilleure répartition des richesses produites entre les salariés et la rémunération du capital.
Admettons qu'il y ait un jour une sortie de crise. On peut sur ce point ne pas être trop optimiste car ce sont les salaires qui font la consommation durable et non l'argent emprunté. Supposons-le tout de même. Comment les Etats vont-ils réduire leur niveau d'endettement pour ne pas faire payer aux générations futures les erreurs d'hier et d'aujourd'hui ? La dette restera et il faudra bien soit la rembourser, soit consacrer une part très importante du budget de l'Etat au paiement des intérêts.
Deux scénarios semblent possibles aux yeux des économistes :
Le premier est celui de la déflation, c'est-à-dire de la baisse des prix, accompagnée de la stagnation de l'économie, de la rareté du crédit et de la maîtrise des dépenses publiques. C'est le scénario vers lequel les gouvernements semblent s'être engagés. Il est présenté comme le plus "moral", dans la mesure où l'on ferait payer ceux qui sont à l'origine de la crise…, sauf pour les millions de chômeurs supplémentaires qui n'y sont pour rien. Mais il n'y a pas de sortie de crise indolore et, au bout du compte, c'est le contribuable qui paierait le remboursement de la dette ou ses intérêts.
L'autre scénario est celui du désendettement par l'inflation, voire l'hyperinflation, si les Etats, proches de la cessation de paiement, font "marcher la planche à billets". Prenons l'exemple d'une inflation de 10% par an avec une croissance nulle (hors inflation). Dans ce cas, le taux d'endettement de l'Etat, ratio de la dette (qui reste constante en euros) divisée par le Produit Intérieur Brut (qui augmente avec l'inflation) diminuerait mécaniquement de 9%. La baisse serait de 25% en trois ans.
Ce second scénario, considéré comme probable par de nombreux économistes, tel Jacques Attali, est le plus inique, le plus cynique puisqu'il pénaliserait ceux qui n'ont pas fait de placements hasardeux, ceux qui ne se sont pas endettés. Mais ce ne seraient pas les seules victimes potentielles. L'inflation permettrait, outre la résorption de l'endettement des Etats, de réduire encore le salaire minimum, en le faisant augmenter moins vite que l'inflation et en faisant de même avec les retraites.
Les ménages les plus modestes verraient fondre leur épargne pour plusieurs raisons :
- parce qu'ils devraient faire face à la hausse des prix des biens de première nécessité,
- parce que les placements populaires, dont les taux d'intérêt ne parviendraient pas à suivre le taux d'inflation, perdraient de leur valeur,
- parce qu'il apparaîtrait plus intéressant aux ménages de consommer plutôt que de voir leur épargne érodée par l'inflation.
Ce scénario, possible à l'horizon de deux ou trois ans, permettrait d'effacer l'ardoise de la crise en faisant payer l'addition à l'épargne populaire, aux salariés les plus modestes et aux retraités. Il faut l'avoir à l'esprit et ne cesser de réclamer un autre partage des richesses.
Pierre Tourev, 04/07/2009
>>> Voir les définitions : inflation, crise
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