
La citation du mois (Historique) "Nous autres, civilisations, savons désormais que nous sommes mortelles." Paul Valéry |
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Où sont passés les gains de productivité ?
Le trio infernal : production, exploitation, consommation
Le progrès technique, l'amélioration constante des processus de fabrication, l'automatisation et l'informatisation ont généré des gains de productivité énormes en un siècle. Là où il fallait 50 heures, deux sont maintenant suffisantes. On serait en droit de se demander où sont passés ces gains pour le salarié qui travaille encore 35 heures. Admettons qu'en plus de ces deux heures, quelques heures supplémentaires soient justifiées pour l'amélioration du niveau de vie. Le compte n'y est toujours pas.
En fait, les gains de productivité n'ont servi qu'à produire toujours plus. Et pour que cette production puisse être écoulée, il ne faut pas que les produits aient une durée de vie de 20 ou 25 ans comme souvent autrefois. D'où l'apparition de produits "jetables", tels ces réfrigérateurs conçus pour durer 5 à 7 ans, vendus avec un contrat de garantie qui en facilite le renouvellement au bout de 3 ou 5 ans. Outre les conséquences sur l'environnement, cette course à la production entraîne une course à la consommation, nécessaire pour écouler la production. Une forte pression sur les salaires est également nécessaire pour maintenir le niveau des plus-values générées par la possession de l'outil de production, c'est-à-dire le capital. Il est résulte une incitation permanente à l'endettement des ménages.
Les gains de productivité ont été tels que les biens les plus simples, autrefois importants par leur valeur d'usage, ont perdu de leur attrait car ils génèrent peu de plus-value. Le produit jetable ne suffit plus. La rentabilité du capital est recherchée à travers d'autres types de produits, plus "cognitifs", dont la valeur marchande relève davantage de la perception qu'en a le consommateur, du sentiment de reconnaissance qu'il en retire que de sa valeur d'usage réelle. C'est pourquoi les publicités cherchent de plus en plus à vendre une marque, une couleur, une caractéristique, un repère identitaire, une appartenance, un concept…, reléguant l'objet vendu au rang de simple accessoire.
C'est le règne de la mode, de l'égocentrisme et du superficiel.
Finalement, les gains de productivité n'ont pas servi, ou très peu, à donner du temps libre aux salariés ou à les désaliéner du travail. Au contraire, le "travailler plus pour gagner plus" est vu comme l'unique moyen dont dispose le travailleur pauvre pour subsister, à défaut de pouvoir s'offrir l'un des objets de tentation que la société met en permanence sous son regard.
C'est le règne de l'économisme et de la marchandisation au détriment des valeurs humaines.
C'est le règne de l'"Avoir" (la possession) au détriment de l'"Être" (la finalité ultime de l'individu).
Cette course effrénée à la production (portée par la productivité), à l'exploitation de l'homme (résultant d'une affectation insuffisante des gains de productivité aux salariés) et à la consommation constitue un véritable triangle infernal.
Les citoyens commencent seulement à prendre conscience de ces conséquences désastreuses sur notre environnement, pas uniquement au niveau local, mais sur l'ensemble de la planète.
Et les travailleurs, quand prendront-il conscience de l'engrenage infernal dans lequel ils sont embarqués au profit de quelques-uns seulement ?
Pierre Tourev, 06/12/2009
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