Présentation du concept général
La langue de feu vise à établir ou rétablir si nécessaire des liens authentiques entre les humainEs en situation d'échange verbal et en même temps de réduire l'effet manipulatoire des connotations basées sur les anciens paradigmes. Le primat de la patriarchie est à la base de la séparation des genres du point de vue grammatical. La répétition quotidienne de cette règle opposant les genres qui s'immisce dans la phrase la plus anodine de notre discours est un fléau pour l'instant quasi inconscient. Ce séparatisme (1) langagier influence la pensée humaine, alimente et enracine plus profondément les dogmes sexiste, raciste, nationaliste, hiérarchiste (2). ce qui constitue le système de valeur du capitalisme. De nouveaux concepts naissent chaque jour, créant de nouveaux mots, des mots sont retirés ou remplacés chaque jour faisant disparaître ainsi les concepts les plus dérangeants. Franck Lepage l'explique très bien dans sa confesticulée sur la culture.
Par la pratique grandissante de la langue de feu, les langues de bois et patriarche deviendront naturellement obsolètes. Nul besoin de lutte. Plus les gentes (3) seront vigilantes quant à l'usage des mots et prendront conscience de l'intention qui les anime au moment où elles s'expriment, plus le recours au vocabulaire biaisé de la langue de bois, au vocabulaire séparatiste de la langue patriarque, sera rare. En gommant des mots, la langue de bois cesse de faire exister des concepts qui mènent ou auraient pu mener la population à adopter un positionnement fort. C'est précisément ce que redoute l'état.
La langue de bois tente d'anesthésier nos émotions, bascule la pensée humaine dans la victimite (4) et l'impuissance.
La langue de feu rend aux humains leur légitimité à s'exprimer pleinement et en conscience, en assumant les changements qu'elle opère dans la conscience individuelle et collective. Un mot bien incarné c'est la pérennité garantie d'un concept identifiable, durable, discutable (5) et combattable si besoin.
Si nous tendons vers ce principe d'une plus grande neutralité de jugement sur ce qui nous est extérieur, tout en affermissant notre expression, nous devenons libres et acteurs de notre vie. Nous assumons mieux les conséquences de nos actes, parce qu'ils deviennent des actes de liberté et non plus des réactions non maîtrisées. Nous nous rendrons compte combien il est demandant (6) de maintenir une vigilance accrue pour démasquer les valeurs incrustées dans les mots ou les expressions particulièrement dans la langue de bois. Les boiseurs (7) tirent notre attention avec habileté vers la périphérie du concept qu'ils veulent faire disparaître de nos têtes pour nous en éloigner définitivement, au remplacement du mot qui le nommait.
Pour commencer, nous allons nous attacher à reconnaître les connotations sexistes, judéo-chrétiennes et néo-colonialistes.
Vous avez tous bien compris que la tâche ne s'arrêtera pas là par la suite. Puisque vous avez décidé de participer, de collaborer à notre atelier, vous êtes toutes des aventurières, des avant-gardistes de la langue de feu, je propose que nous nous nommions les dragonnes (8).
Pistes proposées pour prendre la direction de la langue de feu
Parler de moi au maximum, de ce que JE ressens en me rapprochant le plus possible de qui JE SUIS ou je pense ou je veux être.
Lorsqu'il m'arrive d'aborder un sujet qui concerne d'autres personnes que celles qui sont présentes. Je vais m'attacher à éviter de les juger, mais je vais plutôt adopter leur point de vue et analyser ce que je serais moi-même susceptible de faire ou de penser, dans la situation vécue par l'autre et dont je rends compte.
Cela permet d'éviter l'accusation ou la médisance. Ce raisonnement ne se veut pas moraliste, le dragonne est amorale par essence car elle a quitté ou est en passe de quitter tout jugement tant le concernant que concernant les agissements ou pensées des autres. Le dragonne accepte que les choses existent mais prend position et suit sa ligne de conduite, dictée par son propre système de valeurs.
Ce positionnement tend à l'objectivité maximale tout en exprimant avec fermeté son propre positionnement. J'observe, je ressens, je dis ce que je ressens avec l'intention de faire comprendre et respecter ce que je suis au plus profond de moi.
Que l'autre accepte ou pas de ce que j'exprime, qu'il en fasse une affaire personnelle et se sente blessé ou pas, n'est pas mon affaire. J'ai été honnête, vrai, intègre. C'est ce qui serait le résultat de l'attitude dragonnière. La langue de feu ne manipule pas, la dragonne peut perdre une amitié sans regret, si ce qui fut son amie n'est pas encore apte à accepter les valeurs qui la définissent honnêtement.
Connaissances-racines de la langue de feu
Les 4 accords toltèques :
- Que ma parole soit impeccable (qu'elle reflète avec intégrité mon ressenti)
- Je ne fais jamais de supposition (éradiquer les élucubrations mentales inutiles sur ce qui n'existe pas et peut-être n'existera jamais)
- De rien je ne fais une affaire personnelle (évincer les réactions émotionnelles)
- Je fais toujours de mon mieux (exprimer ce qui est le plus proche de qui je suis)
Les trois tamis
Faire mentalement le test des trois tamis avant de s'exprimer :
- Ce que je m'apprête à dire est-il vrai (l'ai-je vécu ou vérifié en direct ?)
- Est-ce bienveillant ? En d'autres termes, cela va-t-il créer une bonne énergie pour mon interlocuteure (9), servir positivement la cause du sujet, de l'avancement de la pensée humaine, mener chacune (10) des protagonistes à un éveil de leur pensée critique enrichissant. Ou tout bonnement cela va-t-il me permettre de clarifier davantage la perception que j'ai de moi-même.
- Est-ce utile ? A celle (11) qui décide de le partager comme à celle qui va le recevoir.
La langue de feu s'appuie sur l'observation neutre de l'environnement pour construire sa libre pensée critique et l'exprimer sans peur.
C'est la concrétisation par le verbe de la liberté d'expression profonde et intègre.
Conclusion
Cet atelier est la graine à laisser pousser au-dedans de chacune de nous. Elle possède le potentiel illimité, elle contient tous les possibles, elle a la force de devenir un brin d'herbe, un pissenlit, une fleur d'un jour, un arbuste aromatique, un chêne séculaire. ou toute autre création fantaisiste en dormance au creux de nous et qui ne demande qu'à s'éveiller au grand jour.
Heyoka, février 2014
Notes :
- Séparatisme : en langue de feu provoquer volontairement l'isolement de deux groupes de la population dans l'objectif de créer un conflit ou un mépris mutuel. Contrairement à son usage en langue patriarque où il est synonyme d'indépendantisme ayant pour origine le sentiment d'oppression de nature coloniale.
- Hiérarchiste : hiérarque actif volontaire, qui défend les valeurs de la hiérarchie.
- Gentes : adaptation LDF du substantif patriarcal "gens" (sous la règle séculaire du masculin qui l'emporte)
- Victimite : Etat de celles qui se positionnent en victime d'un évènement, d'une attitude, d'une situation ou d'un environnement extérieur à son être. Plus courant en LDF : victimite aigüe pour appuyer le décalage de cette interprétation subjective préjudiciable (je me sens victime) avec la réalité de l'être consciente qui, elle choisit de le vivre.
- Discutable : en langue de feu, le sens originel est repris dans le sens "ce dont on peut discuter librement" sans la connotation patriarque "dont on peut mettre en doute la véracité".
- Demandant : qui demande des efforts, traduction LDF de "difficile" qui a une connotation de pénibilité subie alors que demandant fait référence à la force intérieure.
- Boiseur : en langue de feu, locuteur de la langue de bois. (langue patriarque : maçon spécialisé dans l'utilisation du béton armé.)
- Dragonne : mot de feu de registre familier pour signifier le locuteure de langue de feu.
- Interlocuteure : forme neutre pour désigner la personne avec qui je parle, comportant à la fois les deux anciens genres masculin et féminin.
- Chacune : équivalent de "chacun" en langue patriarque qui préconise que "le masculin l'emporte".
- Celle : forme neutre englobant les "celle et celui" de la langue patriarque, celle, contient bien le "cel" d'antan.
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